MDCXLVIII
Année 1648
Chronique du Saint Empire
Abrégé de l'histoire de l'Empire

Paix de Munster entre l'Espagne et les Provinces Unies.
Le comte de Pennaranda et Antoine Brun Franc-Comtois, la négocient depuis quelques temps: elle fut signée le 30 janvier et affermie pour toujours la liberté et la souveraineté des Provinces Unies.


scène de pillage durant la Guerre de Trente Ans

Wrangel retourne en Souabe , et joint l'armée Française près de Winsheim, Ils se jettent sur la Bavière, pour punir l'Électeur de l'infraction du traité d'Ulm. Le général Melander, dit Holtzapffel, qui commandait l'armée impérial, est battu et blessé à mort à Summerhausen le 9 mai.
Les alliés prennent Donawert, et saccagent toute la Bavière jusque sur les bords de l'Inn.

Kœnigsmarck se sépare de Wrangel et entre en Bohème: il escalade la petite ville de Prague sous la conduite d'Odolwartzky, ancien lieutenant colonel au service de l'Empereur. La ville ayant été livrée au pillage, le butin fut immense; la part seule qui en revint à la Reine de Suède fut estimée près de sept millions d'écus. Charles Gustave, comte Palatin du Rhin, généralissime des Suédois, fit le siège de la ville mais les nouvelles de la paix l'obligèrent de le lever et la guerre fut terminée.

La paix entre l'Empereur, la Suède et les Protestants à été conclue à Osnabruck le 6 août. Les négociations de Munster traînaient encore en longueur, et les Suédois fidèles à leurs engagements, ne voulaient pas permettre que leur traité fût signé et publié avant celui des Français. Toutes les difficultés enfin aplanies: la signature solennelle des deux traités se fit avec grande cérémonie à Munster le 24 octobre.

 


Munster

Il est essentiel de donner un extrait succinct de ces deux traités qui sont aujourd'hui le code politique et la principale des loix fondamentales de l'Empire Germanique; Ils roulent en partie sur les satisfactions accordées aux puissances intéressées et en partie sur l'état public de la religion et du gouvernement de l'Allemagne.

        Les satisfactions accordées aux puissances intéressées.

La France eut la souveraineté des trois Évêchés de Metz, Toul et Verdun, et de la ville de Pignerol, cédée par la paix de Quiérasque , et la ville de Brisach et ses dépendances, le Sundgaaw et les Landgraviats de Haute et Basse Alsace. La cession de ces derniers se fit sur le pied que l'Empire et la Maison d'Autriche les avait possédé, en conservant aux États de cette Province, ci-devant États immédiats de l'Empire, tous les doits et privilèges particuliers qui étaient compatible avec la souveraineté de Sa Majesté Très Chrétienne. Enfin le doit de tenir garnison dans la forteresse de Philipsbourg..

La Suède eut pour sa part, outre cinq millions d'écus en argent comptant, l'Archevêché de Brème sécularisé, l'Évêché de Verden, converti en Principauté séculière, la Poméranie intérieure, Stettin, l'île de Rugen, et la ville de Wismar dans le Meckelbourg. Le tout pour être tenu en fief de l'Empire, avec trois voix à la Diète pour Brème, Verden et la Poméranie.

L'électeur de Brandebourg fut dédommagé pour la perte de la Poméranie intérieure, par la cession qu'on lui fi des Archevêchés de Magdebourg, sécularisé, et des Évêchés de Halberstadt, Minden, et de Camin déclarés Principautés séculières avec quatre suffrages à la Diète.

Les ducs de Meckelbourg reçurent en échange de Wismar, les Évêchés de Schwerin et de Ratzebourg, érigés en Principautés séculières avec deux voix aux Diètes et deux Commanderies considérables de l'Ordre de Saint Jean, Mirow et Nemerow.

Les Ducs de Brunswick, Lunebourg-Hannover et à leur défaut ceux de Wolfenbutel, eurent la Prévôté de Walkenried et l'alternative perpétuelle dans l'Évêché d'Osnabruck; de manière qu'à un évêque catholique élut par le chapitre doit succéder un évêque protestant issu de la maison de Hannover.

Le Landgrave de Hesse-Cassel obtint, outre la somme de 600000 écus en espèces, la plus grande partie du comté de Schaumbourg, et l'abbaye de Hirchfeld, déclarée principauté séculière avec suffrage à la Diète.

L'Électeur Palatin fut remis en possession de tout le bas Palatinat et de ses autres terres et droits, excepté le haut Palatinat qui resta à la Bavière, et la Bergstaße, que l'Électeur de Mayence conserva en rendant les sommes pour lesquelles elle ait été engagée.. De plus, on établit en sa faveur une huitième dignité électorale, qui doit subsister dans la Maison Palatine tant que la maison ducale et électorale de Bavière aura des héritiers mâles, et qui sera supprimée lorsque l'une ou l'autre des Maisons Palatine ou de Bavière sera éteinte.

La République des Suisses fut déclarée libre souveraine et exempte de la juridiction de l'Empire.

Tout les autres Princes et États de l'Empire sont purement et simplement rétablis dans toutes leurs terres, droits et prérogatives dont il avaient joui avant les troubles de Bohème et l'année 1619.

        Voici les dispositions relatives à l'état public de la religion.

La transaction de Passaw de 1552, et la paix de religion de 1555 sont confirmées dans toute leur étendue.

La religion Calviniste doit participer à l'avenir à tous les droits acquis aux Luthériens.

La religion en général doit être remise par toute l'Allemagne sur le pied ou elle était le 1er janvier 1624 excepté dans le Palatinat ou elle se réglera sur l'état de l'année 1619.

Tous les biens ecclésiastiques possédés par les protestants en 1624 et par l'Électeur Palatin en 1619 leur doivent rester.

Tout bénéfice catholique ou protestant perdra son bénéfice dès qu'il changera de religion.

Tout membre immédiat de l'Empire doit avoir le droit de changer et de réformer la religion dans ses terres, autant que l'état de l'année 1624 et les pactes faits avec ses sujets le lui permettront.

L'autorité spirituelle du Pape et des Prélats Catholiques d'Allemagne es suspendue, ou plutôt abolie à l'égard des protestants.

Les sujets des princes d'Allemagne qui embrasseront une autre religion que celle qui était la religion de l'État en 1624 pourront être tolérés par leur Prince. Mais s'il ne veut pas leur accorder la liberté de conscience, il sera obligé de leur donner trois ans pour sortir de ses États.

La Chambre Impériale sera composée de vingt-quatre membres protestants et de vingt-six catholiques. L'Empereur recevra six protestants dans le Conseil Aulique.

On choisira pour les Diètes de députation un nombre égal d'États catholiques et protestants, excepté quand on les convoquera pour une cause extraordinaire; alors les députés seront tous protestants si la cause regarde des protestants et de même à l'égard des catholiques.

A la Diète et dans tous les tribunaux de l'Empire, rien ne pourra être conclu à la pluralité de toutes les voix des catholiques contre toutes les voix des protestants.

Lorsqu'à la diète le suffrage du corps des protestants sera contraire à celui des catholiques, on ne pourra plus rien arrêter que par la voie d'une composition amiable. Si même le cas arrive dans les deux tribunaux de l(Empire, on a établi l'usage que les causes sont portées à la Diète générale.

        Règlements relatifs au gouvernement public.

Les princes et États d'Allemagne assemblés aux Diètes auront un suffrage décisif dans toutes les délibérations de l'Empire, principalement quand il sera question de faire des loix nouvelles ou d'en interpréter d'anciennes, de déclarer la guerre, de lever des troupes, d'exiger des contributions et de lever des subsides dans l'Empire, de faire la paix et des alliances, etc.... de manière que leur consentement sera essentiellement requis pour prendre ces réformes.

On renvoya à la prochaine Diète ce qui regarde l'élection d'un Roi des Romains du vivant de l'Empereur, la formation d'une capitulation perpétuelle qui servirait à tous les Empereurs futurs, la manière de mettre un État au banc de l'Empire, et les arrangements à prendre au sujet de la matricule, de la réformation de la justice, et d'autres objets qui regardent le bien de tout le Corps Germanique.

Le collège des Villes Impériales qui depuis longtemps avait assisté aux délibérations comitiales sans pouvoir rien déterminer, reçut un suffrage décisif, tel que ceux du Collège des Électeurs et des Princes.

Dans toutes les délibérations sur des matières qui pourraient tourner au préjudice d'un État de l'Empire, ou lui faire perdre un droit légitimement acquis, on ne décidera rien à la pluralité des suffrages ni autrement, que par la voie d'un accommodement à l'amiable.

Le Conseil Aulique de l'Empereur suivra l'ordonnance et les procédures usitées dans la Chambre Impériale.

Enfin on confirme à tous les États en particulier le droit de pouvoir faire alliance avec des princes étrangers, pourvu qu'elles ne soient point contre l'Empereur ni contre l'Empire.

La Suède et la France se chargent de la garantie de tous les articles contenus dans les deux traités qui doivent être regardés comme un seul.

Telle fut la fin d'une guerre cruelle qui avait désolé l'Allemagne pendant trente années entières. Si les succès des dix premières années avaient surpassé les espérances de Ferdinand et des catholiques, la fermeté de la France et de la Suède fit triompher la liberté Germanique et les protestants dans les dix dernières. On sera surpris sans doute que l'Empereur Ferdinand III et les États catholiques aient pu consentir à des conditions si désavantageuses: mais les progrès que les Suédois faisaient dans les provinces héréditaires de l'Empereur et la désolation de la Bavière par Wrangel et Turenne, et un esprit de révolte qui commençait à se répandre dans l'Autriche, ébranlèrent la confiance de Ferdinand III. Son caractère était plus porté à la douceur que celui de son père; moins dévoué que lui aux maximes de l'Espagne, il ne se crut pas obligé de suivre jusqu'au bout le plan que Ferdinand II avait formé au milieu de ses plus brillants succès.

Il était également essentiel pour la Suède de voir finir la guerre: elle obtenait des avantages très considérables pour elle et pour ses Alliés; elle éloignait des bords de lamer Baltique un voisin puissant qui avait fait trembler le grand Gustave. Elle humiliait la maison d'Autriche, et affranchissait l'Allemagne d'un joug dont la Suède elle même avait été menacée.. D'un autre côté, ses armées ne consistaient depuis longtemps qu'en troupes allemandes, mêlées de quelques régiments Suédois. La plupart des soldats demandaient la paix, et il était naturel de craindre une désertion générale, si on la leur refusait.

Enfin la France étendait ses limites jusqu'aux bords du Rhin. Elle s'assurait pour longtemps de l'amitié des princes de l'Empire, et formait dans cette monarchie un parti assez fort pour y contrebalancer la puissance de la maison d'Autriche.

D'ailleurs, la guerre civile commençait à se déclarer dans le cœur du royaume, e la paix que les Espagnols venaient de conclure avec les Hollandais, mettait la France dans la nécessité d'envoyer de plus fortes armées dans les Pays Bas. Ces raisons réunies rendirent la paix aussi nécessaire pour la France qu'à l'Empereur et à la Suède.

Les princes catholiques d'Allemagne étaient trop faibles pour s'y opposer seuls. Leurs terres étaient ravagées et épuisées d'hommes et d'argent; et dans le fond l'Église seule faisait les frais des avantages accordés aux Suédois et aux protestants. Les princes catholiques n'y perdaient rien. Ils participaient au contraire aux droits stipulés en faveur des membres du Corps Germanique.

Il n'y eut donc que le Saint Siège et l'Espagne qui s'opposèrent au traité de Westphalie. Le Roi d'Espagne protesta contre la cession que l'on faisait de l'Alsace à l France, contre la restitution du Palatinat dont il s'était arrogé une partie, et contre l'abandon du Cercle de Bourgogne aux entreprises des français. Le Pape condamnait la sécularisation des plus beaux bénéfices de l'Allemagne en faveur des protestants, et les droits que ceux ci acquéraient au préjudice de la supériorité des catholiques. Le Légat Fabio Chigi détailla très bien ces griefs dans sa protestation datée du jour même de la signature des traités. Innocent X les cassa et les annula entièrement par une bulle du 26 novembre; mais on avait pourvu à ce qu'aucune opposition ni aucun prétexte de religion, ou autre ne dérogerait en rien aux différents articles de la pacification.; et l'Empereur, ainsi que les autres États Catholiques, ne jugèrent pas qu'il fut de leur intérêt de courir les hasards d'une guerre de religion.

 

 

 

Jean-Louis Vial