MDCLXXXVIII

Année 1688


Chronique du Saint Empire

Abrégé de l'Histoire de l'Empire

Depuis longtemps on avait prévu que la trêve de Ratisbone serait bientôt rompue. Elle le fut cette année, et l'Électorat de Cologne en fournit l'occasion. L'Électeur Maximilien Henri ayant obtenu de son Chapitre, que le Cardinal de Furstenberg, Évêque de Strasbourg, lui serait donné pour Coadjuteur: dès lors quelques chanoines protestèrent contre cette élection, et le Pape Innocent XI qui avait des démêlés avec la France, refusa de reconnaître pour Coadjuteur un Prélat protégé par Louis XIV. Après la mort de l'Électeur Maximilien Henri, on se vit obligé de procéder à une nouvelle élection. Les deux candidats sur lesquels le choix du Chapitre semblait devoir tomber, étaient le Prince Clément de Bavière, Évêque de Ratisbone, et le Cardinal de Furstenberg, Évêque de Strasbourg. Ni l'un ni l'autre ne pouvaient être élu, parce que tous les deux possédaient déjà des Évêchés. Il ne restait donc que la voie de la postulation, pour laquelle le droit canonique exige les deux tiers des suffrages de tout le chapitre. On savait bien que jamais le Prince de Bavière ne pourrait gagner la supériorité sur le Cardinal de Furstenberg; mais le Pape charmé de pouvoir se venger de la France, y pourvut en accordant au Pince de Bavière un bref d'éligibilité. L'élection se fit. De vingt quatre voix le Cardinal de Furstenberg en eut quinze, et le Prince de Bavière neuf. Il en manquait donc trois au Cardinal pour être légitimement postulé, et les neuf voix du Prince de Bavière devenu éligible, lui donnèrent une supériorité décisive sur son concurrent; l'Empereur et les Princes d'Allemagne ne dissimulèrent pas assez la part qu'ils prenaient à cet événement, qui servit de prétexte à la guerre que la France leur déclara.

Les prétentions de la Duchesse d'Orléans sur le Palatinat, et le refus de changer la trêve de Ratisbonne en une paix perpétuelle, en furent les autres motifs.

L'armée Française s'empara de tout le Palatinat, de Mayence le 25 octobre, de Philipsbourg le 29 du même mois, et de Mannheim le 11 novembre.
Spire, Worms et Trèves s'étaient rendues à la première sommation, et le Cardinal de Furstenberg avait reçu des garnisons Françaises dans toutes les places fortes de l'Électorat de Cologne. L'Empire déclare la guerre à la France le 11 décembre.

Lettre patentes du 4 août pour ériger le Comté de Nassau Ussingen en Principauté de l'Empire. Cette dignité fut étendue aux branches collatérales de Nassau-Idstein éteinte en 1721 et de Nassau-Weilbourg. Jusqu'ici les Princes de ce nom n'ont pas pu obtenir de suffrage à la Diète.

Belgrade est prise d'assaut le 6 septembre. Cette conquête fut suivie du Royaume de Servie. Michel Abassi, Prince de Transylvanie, se mlet le 8 mai sous la protection de l'Empereur..

Révolution en Angleterre. Jacques II abandonné de ses sujets, se retire en France, et le trône d'Angleterre déclaré vacant, est occupé par le Prince d'Orange, Stathouder de Hollande, et gendre de Jacques II M. de Louvis avait cru traverser le projet du Prince d'Orange, en faisant assièger Philipsbourg, et attaquer l'Empire: à peine un succès des plus heureux aurait-il pu justifier cette idée.

Atlas Historique-Gueudeville

La Forteresse de Moncatsch ou Mongats, où était renfermée la Princesse Ragotski, épouse du Comte Tekeli, après avoir été bloquée pendant longtemps, se trouvant réduite aux dernières extrémités, fut obligée de se rendre aux Généraux de l'Empereur par un Traité. Cette Princesse ayant appris que le Comte Tekeli était mandé à Constantinople, et craignant qu'il ne fût perdu par le moindre caprice du Grand Seigneur ou du Grand Vizir, elle fut réduite à céder à la nécessité de se rendre. Le Comte prit le chemin de Constantinople, mais n'alla pas loin; car ayant appris la prise de Moncatsch et craignant le désespoir de ses amis, il retourna sur ses pas. Quelques uns de ses ennemis voulurent lui faire un crime auprès de la Porte Ottomane de n'avoir pas pris le chemin de Constantinople; mais ces raisons trouvèrent peu de croyance auprès du Grand Seigneur, qui l'assura de sa protection. La nouvelle de son voyage à Constantinople donna lieu au bruit qui se répandit dans la plupart des États de l'Europe, qu'il avait été étranglé par ordre du Grand Seigneur.

Le Duc de Lorraine étant tombé malade, l'absence de cet illustre chef n'empêcha pas la continuation des progrès des armes Impériales. L'Électeur de Bavière ayant pris le commandement de l'armée, eut le bonheur de se rendre maître de Belgrade, vile importante par sa situation, et qui ouvrait aux armes Impériales le chemin de Constantinople.

 


Chrononologie des Empereurs Turcs

Atlas Historique-Gueudeville

Le Prince de Bade, qui eut l'année suivante le commandement de l'armée, bat les Turcs devant Nissa, et s'empare de Nissa, d'Uvedin, de Sosie, et des villes de Pristina et de Sopia. Le Duc de Holstein ayant prit le commandement de l'armée à la place du Prince de Bade qui tomba malade battit les Turcs à Stippo.

Le Comte Tekeli, fait Prince de Transilvanie par le Grand Seigneur, reprend Uvedin, bat le général Heuler, et le fait prisonnier. Le Seraskier s'empare de Nissa, et continuant ses conquêtes, il emporte Belgrade. Les Turcs poussèrent leurs conquêtes jusqu'à Essek. Le Duc de Croy n'étant pas en état de faire une longue résistance dans ce poste important, se servit d'un stratagème pour en imposer à l'armée Turque, et l'obliger à lever le siège. Il fait sortir de nuit tout les Tambours, Trompettes, Timbales et Fifres, et les envoie à une distance assez éloignée, d'où ils rentrèrent le lendemain, faisant de grandes fanfares. Le Bâcha ayant donné dans le panneau, leva le siège, croyant que s'était l'armée de Budiani qui était entrée dans Essek. Cette fausse démarche lui coûta la vie.


Abrégé de l'Histoire des Électeurs de Brandebourg

Atlas Historique-Gueudeville

Ce Prince succéda aux états de son père. Peu de temps après son avènement à l'Électorat, il eut la joie de se voir père d'un fils, qui fut un sujet de réjouissance à toute la Cour. Le soin qu'il prit d'abord, fut d'avoir à Magdebourg, que l'on avait rétabli depuis son embrasement, une entrevue avec l'Électeur de Saxe, le Duc de Hanovre et le Landgrave de Hesse Cassel, pour prendre avec ces Princes les mesures qu'ils jugeaient convenable par rapport à leurs intérêts dans la conjoncture des affaires, et par rapport à l'expédition du Prince d'Orange sur l'Angleterre, qui était sur le point de s'exécuter. Le Roi de France, dans la vue de traverser ce projet, crut ne pas trouver de moyen plus efficace pour en empêcher l'exécution, que de porter la guerre dans l'Empire, nonobstant la trêve avec cette puissance. Le Dauphin, qui se mit à la tête de l'armée, après avoir réduit Philipsbourg, n'eut pas de peine à soumettre les autres places de cet électorat, et ce beau pays ressentit dans cette campagne les suites funestes de ce fléau, par les excès et la licence des soldats.

 

Jean-Louis Vial