MDCCI
Année 1701



Chronique du Saint Empire

Abrégé de l'histoire de l'Empire

Les princes correspondans contre le neuvième Électorat s'assemblent à Francfort. L'Empereur et la France y envoient des ambassadeurs pour les attirer dans leurs intérêts. Léopold devenu plus traitable par le besoin qu'il avait du Corps Germanique, s'engage à terminer le différent sur le neuvième électorat à la satisfaction des princes. Cette déclaration les apaise, leur assemblée se rompt, la Diète reprend son activité, et l'Empereur se concilie par des traités particuliers ,l'amitié et l'assistance de la plupart des princes correspondans.

Transaction de Hambourg le 8 mars entre les ducs de Meckelbourg-Schwerin et de Meckelbourg-Strelitz. On annule la sentence du Conseil Aulique qui adjugeait toute la succession de Gustrow à la branche de Scwerin, et on en démembre la seigneurie de Stargarde et la principauté de Ratzebourg en faveur de la branche de Meckelbourg-Strelitz.

Mouvements en Allemagne au sujet de la succession d'Espagne. Les Cercles de Bavière, de Souabe, de Franconie du Haut et du Bas Rhin s'assemblent à Heilbronn, et concluent une association sur le pied de celle de Heidenheim de l'année précédente; mais les intrigues du comte de Lœwenstein, que l'Empereur avait député aux Cercles antérieurs, le trop grand zèle que l'Électeur de Bavière fit paraître pour engager les Cercles dans une neutralité, et les couleurs que l'Empereur sut donner aux démarches de ce prince, lorsque l'Électeur de Cologne son frère eut reçu des garnisons françaises dans l'électorat de Cologne; ces motifs réunis firent rompre l'association de Heilbronn, quelque salutaire qu'elle dût être à l'Allemagne, et les Cercles de Franconie et de Souabe conclurent à Nordlinguen une nouvelle association avec celui d'Autriche.

Les électeurs de Bavière et de Cologne s'allient avec la France. Le Roi de Portugal conclut avec elle et avec le Roi d'Espagne une alliance offensive et défensive. Les Ducs de Savoye, de Mantoue, et la duchesse de la Mirandole reconnaissent Philippe V pour Roi d'Espagne. Ils s'allient avec la France, et sont condamnés à Vienne par le Conseil Aulique comme coupable du crime de félonie.

Les États Généraux des Provinces Unies, après avoir renouvelé l'Union d'Utrecht de 1579, reconnaissent Philippe V pour Roi d'Espagne. Le Roi d'Angleterre suivit leur exemple par une déclaration du 22 mai.

Peut être la France aurait-elle prévenu la guerre si elle avait eut un peu de déférence pour ces deux puissances; mais elle irrita l'Angleterre en reconnaissant après la mort de Jacques II son fils Jacques III pour Roi d'Angleterre et indisposa les Hollandais en leur refusant les places de sûreté qu'ils demandaient dans les Pays-Bas. Les conférences avec les comtes d'Avaux furent rompues, et les puissances maritimes conclurent le 11 septembre une alliance avec l'Empereur. Elle n'eut d'abord d'autre objet que de procurer à la maison d'Autriche une satisfaction pour ses prétention sur l'Espagne; et les Anglais et les Hollandais se réservaient pur prix de leurs services les conquêtes qu'ils pourraient faire en Amérique.

La guerre commence en Italie. le Prince Eugène y pénètre par la gorge du Tirol: il force le 9 juillet le poste de Carpi, et bat le maréchal de Villeroi le premier septembre au combat de Chiari, dans le duché de Modène: il finit la campagne par la prise de Mirandole le 22 décembre.

Frédéric , Électeur de Brandebourg et duc de Prusse, se fait proclamer Roi de Prusse, et se met lui même la couronne sur la tête à Königsberg le 15 janvier.


Abrégé de l'Histoire des Électeurs de Brandebourg

Atlas historique Gueudeville

Si l'on fait attention à l'antiquité et à la noblesse de la Maison de Brandebourg, dont on a pu se former une idée par les cartes, on ne sera pas surpris de voir la résolution que forma l'Électeur de prendre le titre de Roi. Comme il est tant sorti de têtes couronnées de cette illustre Maison, et qu'elle a donné des couronnes à la plupart des souverains de l'Europe, il était bien juste qu'étant en état de soutenir cette haute dignité, elle se donnait à elle même ce qu'elle avait donné à tant d'autres. C'est ce qui porta Sa Majesté Prussienne à se revêtir de cette dignité le 17 décembre 1700; et comme la cérémonie qui se fit en cette occasion nous allons en donner le détail. Sa Sérénité Électorale de Brande bourg parti de Berlin le 17 de décembre, et arriva à Königsberg le 29 du même mois. Après que toutes les choses furent réglées pour la cérémonie du Sacre, la publication de la Royauté se fit le 15 de janvier 1701 par quatre hérauts, suivis de quantité d'officiers et de gentilshommes de la Cour, tous à cheval et habillés magnifiquement. Voici l'ordre de cette belle cavalerie:

I- cinquante dragons qui faisaient faire place dans les rues

II- vingt-quatre trompettes de la Cour marchant trois à trois, et divisés en deux chœurs, conduits par deux timbaliers.

III- le héraut qui devait faire la proclamation, seul, suivi de trois autres dans leurs habits de cérémonie, tous richement brodés et faits à la romaine. Ils avaient sur la tête des chapeaux de velours noir, avec des plumes blanches, et leurs masses d'armes étaient garnies de velours bleu, au haut desquelles il y avait des couronnes royales dorées.

IV- les deux Grands-Maréchaux, les Comtes de Lottum et Wallenrad

V- le Grand Maître des Cérémonies, le Maréchal de la Cour, et le Premier Échanson; Mrs de Beller, de Wensen et de Grumkau;

IV- les Gentilshommes et Officiers de la Cour, quatre à quatre.

VII- quarante dragons qui fermaient la marche.

Sur les neuf heures du matin, la première publication se fit dans la cour du château; la seconde à la franchise, et les trois autres dans les trois différentes villes de Königsberg, Alt-Vedt, Kneiphof, Lobewicks, dont les magistrats régalèrent la compagnie de vin et de confiture, qu'ils présentaient sur de grand bassins d'argent.

On distribua sur le champ quelques exemplaires du formulaire de la publication, et lorsque le héraut le proclama, tous les assistants l'écoutèrent chapeau bas. Le contenu en était, que: puisque la Providence avait voulu que le Duché de Prusse fut érigé en Royaume, et que son souverain , le Sérénissime et très puissant Prince Frédéric, en devint Roi, en le faisant savoir à chacun par cette Proclamation.


Frederic se couronne Roi de Prusse

Le Héraut finit cette lecture par un Vive Notre Roi Frédéric, et la Reine son épouse, ce qui fut suivi d'un grand bruit des voix du peuple, qui redoublant leurs cris de joie et leurs vœux répétaient incessamment: vive le Roi et Vive la Reine. Ces cris étaient mêlés avec les fanfares des trompettes, et le son des timbales, le carillonnement des cloches, et le bruit de l'artillerie. Les musiciens placés dans les tours et les maisons de ville, faisaient aussi entendre les sons réjouissants d'une infinité d'instruments de musique.

La cérémonie du couronnement de Sa Majesté Prussienne ayant été faite de la manière que l'on en vient de donner la relation, Sa Majesté retourna à Berlin, où elle fut reçue de la manière suivante.

I- la compagnie des Gendarmes commandée par Mr. de Natzmer major-général

II- la compagnie des Grands Mousquetaires, ayant à leur tête le Comte Christophe de Dohna.

III- trente six carrosses à 6 chevaux, dans lesquels étaient assis les députés de toutes les provinces de l'état, et les ministres du Roi.

IV- les carrosses du Prince d'Anhalt-Zerbst major-général de l'infanterie, et du Landgrave de Hesse-Hombourg général-major de cavalerie de Sa Majesté.

V- onze carrosses à 6 chevaux, des 3 Margraves ou Princes Frères du Roi

VI- seize carrosses de Sa Majesté à 6 chevaux

VII- le piqueur et les chevaux de main du Prince d'Anhalt

VIII- les chevaux de course et de main du Landgrave de Hesse-Hombourg

IX- vingt chevaux de course et de main de Leurs Altesses les 3 Frères du Roi.

X- le piqueur de Sa Majesté, 2 de ses pages à cheval, et 30 de ses chevaux de main, ayant tous des couvertures qui traînaient quasi à terre, d'une riche étoffe de soie bleue en broderie d'or et d'argent

XI- le premier Grand Maître d'Hôtel de S.M. au milieu de 2 de ses pages, 9 pages des 63 Princes, 26 pages de S.M. et 6 autres pages qui servent ordinairement à la chasse et dans sa chambre du lit, le tout à cheval.

XII- le premier fourrier et le premier courrier du Roi, marchant à la tête de 2 timbaliers et de 24 trompettes à cheval

XIII- le Comte de Lottum Grand Maréchal de la Cour, suivi du Grand Maître des Cérémonies, du Premier Sommelier et d'environ 70 chevaliers, Chambellans ou Généraux d'Armée très bien montés.

XIV- son Altesse le Prince Christian-Louis marchant à cheval au milieu du Prince d'Anhalt-Zerbst et du Landgrave de Hesse-Hombourg.

XV- le Prince Royal ayant à sa droite le Margrave ou Prince Philippe, à sa gauche le Prince Albert, et derrière lui le Comte de Dohna son Gouverneur.

XVI- la Compagnie des Cents Suisses, commandée par Monsieur du Rosey, et partagée en trois colonnes, entre lesquelles on voyait marcher à pied et tête nue 30 valets de pied du Roi

XVIII- le Roi montant un cheval très beau dont le harnais brillait de diamants; le Comte de Wartemberg Grand Chambellan et aussi Grand Écuyer, marchant derrière Sa Majesté, suivi du Baron de Tetau Général Major et Commandant des Gardes du Corps.

XVIII- la Reine dans le premier et magnifique carrosse du Roi à 8 chevaux couleur isabelle, cette Reine ayant à son opposite Madame la Margrave épouse du Prince Philippe.

XIX- les 3 Compagnies des Gardes du Corps, commandées par Monsieur de Groot.

XX- huit carrosses de la Reine à 6 chevaux, où l'on voyait toutes les Dames de la Cour.

XXI- une Compagnie de 150 Bouchers à cheval, habillez en cuirassiers

XXII- et enfin toute la Bourgeoisie en magnifique équipage.

Il y avait parmi ces bourgeois, 7 compagnies de Français réfugiés, dont l'une était de Cadets avec des plumes blanches au chapeau, et une autre de Grenadiers tous jeunes garçons de même taille et vêtus de même façon, avec des bonnets blancs. Il se trouva aussi à cette entrée 2 Compagnies de Pauvres et d'Orphelins, qui complimentèrent le Roi à la Porte de la ville; de sorte qu'on compte qu'il y avait 34 compagnies de bourgeois ou habitants dont plusieurs étant de 300 hommes chacune, le tout faisait pour le moins 7 000 hommes. Le premier officier de chaque compagnies était somptueusement habillé; les officiers subalterne l'étaient à proportion. L'entrée commença sur les deux heures et demie de l'après-midi, et la marche ne finit qu'à sept heures du soir. Dans les rues, par où le Roi passa pour se rendre au château, il y avait 7 beaux arcs de triomphes, l'un desquels avait coûté environ 300 écus. on sonna toutes les cloches, on fit une triple décharge de 200 pièces de canon, qui avaient été placées sur les remparts, ainsi que de la mousqueterie de quelques troupes postées dans la grande cour du château.

Le soir il y eut table ouverte dans la salle qu'on appelle la salle d'Orange, et l'on donna toutes les autres démonstrations d'une joie parfaite. Le 7 au matin, le Roi reçut les compliments sur son avènement à la Royauté de tous les princes, ainsi que de la noblesse, des députés des provinces, et des ministres étrangers; ils furent tous traités à dîner avec beaucoup de magnificence; et chaque fois qu'on but à la santé de Leurs Majesté et de la famille Royale, on tira 20 coups de canon. Le soir, Leurs Majestés avec toute la Cour allèrent à l'église cathédrale, ou Monsieur Ursinus premier chapelain du Roi fit un beau sermon sur le 8ème verset du psaume 21. Ce sermon fut suivi d'un agréable concert de musique; et l'on chanta ensuite le Te Deum, au son des trompettes et des timbales. Ils y eut trois soirs consécutifs des feux de joie par toute la ville, avec de grandes illuminations. En un mot, cette entrée fut si magnifique, et les réjouissances qui suivirent si grandes, que jamais on n'avait rien vu de pareil à Berlin. Peu après, le Roi reçut des lettres et des ambassades de félicitations de plusieurs princes de l'Europe.

 

 



Chronologie pour servir à l'Histoire de Savoye

Atlas historique Gueudeville

Pour porter le Duc à entrer dans les intérêts des deux couronnes, Louis XIV, lui fit proposer par le comte de Tessé, de le faire Généralissime des troupes Françaises et Espagnoles qui devaient agir dans le Milanais, et le mariage de la princesse, sa fille puînée, avec le Roi Catholique; et conclut un traité avec son Altesse, par lequel il s'obligeait de fournir à Sa Majesté Très-Chrétienne deux mille cinq cent chevaux,, et huit mille hommes de pied, moyennant un subside de deux cent cinquante mille livres par mois.

Mr. de Catinat passe à Turin auprès de son Altesse, de qui il;est parfaitement bien reçu, et de là il marche avec le Duc de Savoye, à la tête de l'armée du Milanais. Le Prince Eugène surprend la vigilance du Duc, et de Mr. de Catinat. Il passe l'Adige, et s'empare de diverses places dans le duché de Mantoue. Mr. de Villeroi, qui était passé en Italie, juge à propos d'attaquer le prince Eugène à Chiari.

Son Altesse n'y ayant pas trouvé son compte, fait retraite, en signalant son courage. Son cheval est blessé, et ses habits percés de plusieurs coups. Le Marquis de Castel-Rodriguez, ambassadeur extraordinaire d'Espagne, fait son entrée publique à Turin, pour demander la Princesse de Savoye pour le Roi Catholique, suivant la proposition faite par le Comte de Tessé, de la part de Sa Majesté Très Chrétienne. La cérémonie se fit le onze d'octobre, et le jour suivant la nouvelle Reine partit pour Nice, ou elle s'embarqua peu de jours après pour Barcelone. Son Altesse au sujet de la nomination aux bénéfices, persiste à suivre les usages de l'Église Gallicane, et veut secouer le joug du Saint Siège: ce qui continue la mésintelligence entre les deux Cours.



Abrégé Chronologique de l'Histoire d'Angleterre
Atlas historique Gueudeville

Le Roi d'Angleterre dans la situation des affaires juge à propos de convoquer un nouveau parlement, non seulement afin que la Nation avisât à sa sûreté par rapport au testament accepté par le Roi de France; mais encore, afin que comme la santé de Sa Majesté se trouvait dans un état chancelant, on établit la succession à la Couronne dans la ligne protestante. On forme aussi le projet cette année d'unir la nouvelle compagnie des Indes avec l'ancienne. Comme le Parlement se trouva offensé que l'on eut fait le traité de partage de la Monarchie d'Espagne sans lui en avoir donné connaissance, cela lui donna lieu d'accuser le Comte de Portland, le Lord Sommers, le Comte d'Oxford, et le Lord Halifax, qui avaient eu part à cette négociation, de crime de malversation; ce qui causa quelques démêlé entre la Chambre des Seigneurs et celle des Communes. Dans le temps des préliminaires du procès, le Roi prorogea son Parlement.

Le Roi étant passé en Hollande, dès le lendemain de son arrivée il se trouva à l'assemblée des états, et fit un discours très pathétique, ou il marqua l'affection sincère qu'il avait toujours eue pour la République, et les soins qu'il avait pris pour assurer leur tranquillité; qu'il était difficile de voir encore ce que produirait le grand changement qui venait d'arriver dans l'Europe par rapport aux affaires d'Espagne, mais qu'il pouvait bien leur répondre que quoi qu'il arrivât, il le verraient toujours disposé à leur donner des marques de son zèle et de son affection, qu'ils pourraient toujours compter sur la protection de l'Angleterre et sur celle de divers alliés.

La mort du Roi Jacques étant arrivée cette même année, et le Roi de France ayant reconnu le prétendu Prince de Galles, Roi d'Angleterre, le Roi Guillaume donna ordre en même temps au comte Manchester son ambassadeur de retourner en Angleterre; toute la Nation se trouva aussi fort offensée par ce procédé, et diverses villes et provinces présentèrent à Sa Majesté des adresses très fortes contre la France.

L'agent de cette couronne à Londres ayant eut ordre du Roi son maître de présenter un mémoire contenant les raisons de Sa Majesté Très-Chrétienne, Mr. de Vernon Secrétaire d'État refusa de le recevoir, et l'agent eut ordre de sortir incessamment du royaume. Le Roi d'Angleterre ayant repassé de Hollande en Angleterre, fit assembler son Parlement, qui lui donna diverses marques de son zèle et de son affection à faire tous les efforts possibles pour l'assister contre la France et le prétendu Prince de Galle.

 

 

 

Jean-Louis Vial