MDCCXVIII
Année 1718
Abrégé de l'Histoire de l'Empire

Le Landgrave de Hesse Cassel retire sa garnison de la forteresse de Rheinfels.

Paix de Passarowitz entre l'Empereur et la Porte, signée le 21 juillet. L'Empereur acquit à sa Maison Temeswar, Belgrade et tout le Royaume de Serbie.

Guerre d'Italie. Les Espagnols débarquent en Sicile le 1er juillet, Palerme se rend le 13 suivant, et Messine le 29 septembre, après que l'armée Impériale eut été défaite sous Melazzo le 13 septembre.

La flotte Espagnole est ruinée près de Campo Passaro le 11 août, par une escadre anglaise venue au secours de la Sicile.

Le Duc de Savoie à qui ce Royaume avait été cèdé par la Paix d'Utrecht, l'abandonne à l'Empereur, et reçoit en échange les droits acquis à la Maison d'Autriche sur le Royaume de Sardaigne.

Traité d'une quadruple alliance entre l'Empereur, la France, et la Grande bretagne, signée à Londres le 2 aout. Son objet fut de maintenir les traités d'Utrecht et de Bade, et d'accomoder les affaires d'Italie: on convint que pour satisfaire le Roi d'Espagne, l'Infant Don Carlo son fils ainé du second lit, serait nommé successeur éventuel aux Duchés de Parme et de Plaisance, et au Grand Duché de Toscane; et qu'en attendant l'ouverture de ces fiefs, il serait mis une garnison de 6000 hommes de troupes Suisses et neutres dans les places fortes qui s'y trouvaient. Le Roi d'Espagne rejette ces conditions, la France et la Grande Bretagne lui déclarent la guerre.

Traité de la Barrière conclu définitivement à la Haye le 22 décembre. On y régla la manière de recouvrer les sommes destinées à l'entretien des garnisons Hollandaises dans les places de la barrière.

Traité de Bade conclu entre l'Abbé de Saint Gal et les Cantons de Berne et de Zurich, pour établir les droits et la souveraineté de l'Abbé sur le Comté de Toggenbourg.

Charles XII, Roi de Suède, malheureux émule d'Alexandre, périt au siège de Friedrichshall en Norvège le 11 décembre.

 



Chronologie pour servir à l'Histoire de Savoye

Atlas Historique-Gueudeville

La Sicile avait été donnée au Duc de Savoie par les Alliés de l'Empereur; et on travailla quelques temps à engager ce Prince dans une alliance qui tendait à conquérir ensemble et à frais commun, le Milanais, qu'il garderait en rendant la Sicile à la Couronne d'Espagne. La flotte mis à voile et conquit aisément le Royaume de Sardaigne.

Ce coup alarma les Puissances maritimes. La France et la Grande Bretagne firent entre elles le Traité de la Quadruple Alliance, conclu à Londres le 2 août 1718.

Elles avaient déjà fait l'année précédante le Traité de la Triple Alliance, pour la sûreté de leurs propres états. Dans celui ci elles firent un projet de Traité entre leurs Majesté Impériale et Catholique, et y accordèrent à l'Empereur ce que les prédécesseurs n'avaient jamais pu obtenir.

Les Duchés de Parme et de Plaisance, qui avait toujours été reconnus pour fiefs du Saint Siège, y furent déclarés fiefs masculins de l'Empire à perpétuité, aussi bien que les États du Grand Duc de Toscane. Et comme les Ducs de Toscane et de Parme étaient privés l'un et l'autre de l'espérance d'avoir des enfants, on en assura la succession au fils aîné de la Reine d'Espagne.

Ce fut dans ce Traité que le Duc de Savoie perdit le titre de Roi de Sicile et acquis celui de Roi de Sardaigne, qui lui est demeuré. L'Espagne ne se borna pas à la Sardaigne: sa flotte fit un débarquement en Sicile, et prit possession de Palerme. Alberoni tâcha de faire accroire à la Cour de Turin, qu'il ne se saisissait de cette île que pour prévenir les desseins de l'Empereur qui songeait à s'en rendre maître. Cependant l'Espagne attaquait la Sicile si vivement, qu'elle aurait réussi à joindre cette conquête à celle de la Sardaigne. Mais l'Angleterre s'en mêla, et après quelques menaces envoya sa flotte qui remporta une victoire d'autant plus facile, que les Espagnols n'avaient pas compté d'avoir cet ennemi à combattre.

Ce fut un engagement qui rompit les conversations avec l'Angleterre. La France, sollicitée par ses Alliés; mais le Cardinal Alberoni poussa à bout le Duc d'Orléans Régent du Royaume, par les intrigues que forma le Prince de Cellamare. Ces deux ministres d'Espagne voulurent profiter des mécontentements assez publics du Peuple, des Parlements, et de la Noblesse. Leur projet était d'exciter les provinces, de procurer la tenue des États Généraux, et d'y faire décréter une réformation des abus de la Régence. L'Abbé Ponto Carrero, Espagnol, fut arrêté à Poitiers. Les lettres dont il était chargé découvrirent au Régent tout le péril qu'il courrait . Le Prince Ambassadeur fut entouré de Gardes, et renvoyé en Espagne; et la guerre déclarée.

D'un autre côté le Roi de Sicile, que l'Abbé Del-Mare, son Ambassadeur à Madrid avait averti plus d'une fois de ce que le Cardinal Alberoni tramait contre ce Royaume là, pensa tout de suite s'unir avec l'Empereur, et à lui céder de bonne grâce un État, qu'il ne pouvait guère plus retenir. Pour cet effet il ordonna aux Commandants des troupes et des places en Sicile d'y obéir aux ordres de Sa Majesté Impériale, et il envoya le Marquis de Saint Thomas, son Premier Ministre, à Vienne, Pour y traiter d'un échange dans le Milanais, ce qui demandait des négociations dont on ne vit pas de si tôt la fin. Quoi qu'il en soit, Son Altesse Royale dépêcha un autre Ministre à Londres, pour y recommander ses intérêts au Roi de la Grande Bretagne, et offrir d'entrer dans la Quadruple Alliance aux conditions qu'on jugerait à propos.Dans ce Traité, on établissait comme un principe incontestable, que l'amour de la paix était l'âme de ces négociations, et qu'on ne cherchait qu'à détruire la source des différents, qui avaient déjà commis ensemble quelques Princes d'Europe.

 

On proposait ensuite les conditions de la Paix à faire entre le Roi d'Espagne, le Roi de Sicile, et l'Empereur. Ces conditions acceptées par Sa Majesté Impériale, étaient suivies d'un Traité d'Alliance particulière de ce Prince avec les trois puissances, qui s'intéressaient tellement à la paix, qu'elles voulaient elles mêmes entrer en guerre pour qu'elle régnât dans toute l'Europe. Dans ce traité de paix entre l'Empereur et le Roi de Sicile, on régla: que le Roi de Sicile remettrait l'île et le Royaume de Sicile, dans l'état ou il se trouvait actuellement, immédiatement après l'échange des ratifications de ce traité, ou au plus tard deux mois après. Qu'en échange, Sa Majesté Impériale remettrait au Roi de Sicile l'île et le Royaume de Sardaigne, dans le même état qu'Elle le recevrait du Roi Catholique; sauf cependant le Droit de Reversion à la Couronne d'Espagne, dont ce Royaume fort chargé, comme l'avait été celui de Sicile, dont l'Empereur jouirait sans aucune sujétion par rapport à la Couronne d'Espagne.

Après avoir fait cet arrangement, on prit les moyens de les soutenir et de les faire exécuter. Pour cet effet, la France et l'Empereur s'engagèrent, conjointement avec la Grande Bretagne, à se secourir mutuellement, et s'assurer le principal objet de leurs prétentions; c'était pour l'Empereur, d'être mis en possession de la Sicile; et pour les deux Princes, auteurs de ces traités, le maintien de la Succession dans la branche Protestante, et l'exclusion de la Branche d'Espagne pour la Couronne de France.

A ces engagements on joignit le détail des mesures qu'on prendrait pour engager ou contraindre les Rois d'Espagne et de Sicile à se soumettre au jugement qu'on avait prononcé contre eux de concert avec leur ennemi. On convint qu'on leur laisserait le terme de trois mois pour prendre parti. On prétendait que ce terme était suffisant pour examiner les conditions, et pour déclarer si on voulait les accepter, et en faire, à l'exemple de Sa Majesté Impériale, des conditions fixes et immuables, pour éteindre la guerre présente, et l'empêcher de renaître à l'avenir. Si après les trois mois expirés, ces Princes refusaient de se soumettre, les Médiateurs devaient joindre leurs forces à celles de l'Empereur pour les y contraindre. On était expressément convenu, que si à cause des secours fournis à l'Empereur un des Médiateurs était attaqué, de quelque manière que ce fût, par les Rois d'Espagne et de Sicile conjointement ou séparément, les autres déclareraient la guerre à l'agresseur et ne poseraient point les armes que l'Empereur ne fut en possession de la Sicile et en sûreté pour ses autres États d'Italie. Celui des deux Princes qui souscrirait à la Convention, devait le se joindre aux puissances contractantes pour contraindre celui qui les auraient refusées. Si le refus venait de la part de l'Espagne, on devait mettre en état l'Empereur de conquérir la Sardaigne; s'il venait de la part de la Savoie, on devait aider l'Empereur à se rendre maître de la Sicile: si les deux ensemble regardaient ce jugement comme non-aveu, on devait commencer par attaquer la Sicile, ensuite la Sardaigne; ce dernier Royaume devait être confié à la garde du Roi de la Grande Bretagne, jusqu'à ce que le Duc de Savoie eut accepté les propositions du Traité.

Quoique dans la situation des affaires, l'accession du Duc de Savoie fut peu importante à l'un ou l'autre parti, tous deux pourtant avaient fait leurs efforts pour se l'attacher.

La Sicile, que Georges I et le Duc d'Orléans lui enlevait pour contenter l'Empereur, qui la souhaitait passionnément, aurait du naturellement le faire pencher du côté de l'Espagne. Le Cardinal Alberoni n'en doutait pas, et pour achever de le déterminer, il lui avait fait dès le mois de mai des propositions fort avantageuses. L'Espagne, après avoir conquis le Royaume de Naples, aurait fourni et entretenu à ses dépens en Lombardie trois mille chevaux et douze mille hommes de pied, pour faire la conquête du Duché de Milan; de plus l'Espagne aurait entretenu une flotte dans les mers d'Italie; le Duché de Milan, conquis par les deux Couronnes, aurait été cède tout entier au Roi de Sicile; après cette cession, le Royaume de Sicile devait rester à l'Espagne: enfin, on offrait à ce Prince un million d'écus, afin qu'il put faire des levées dans la Suisse, et se mettre en état d'attaquer le Milanais l'année suivante.

Ces offres ne furent point acceptées par le Duc de Savoie. Exposé au danger de perdre la Sicile sans aucun dédommagement, de se voir enlever le fruit de dix années de guerre, de ses variations, et des efforts qu'il avait du faire pour travailler à détrôner sa propre fille, il fit plus que l'Empereur et ses Alliés n'attendaient.

Il céda à Sa Majesté Impériale la Sicile, sans exiger d'équivalent, et il envoya au Comte de Thaun, Vice-roi de Naples, l'acte de cette cession. Sur ces entrefaites, la flotte Anglaise avait fait force de voiles pour porter du secours au Royaume de Naples. Le Vice-roi représenta à l'Amiral Bing, qui la commandait, qu'il devait secourir la Sicile, qui appartenait à l'Empereur à qui le Duc de Savoie venait de la céder, et il lui fit voir cet acte de cession de ce Duc en bonne forme. Alors cet Amiral ne balança plus sur le parti qu'il avait à prendre. Il débarqua des troupes à Messine sans que la flotte Espagnole, qui n'avait point d'ordre d'attaquer s'y opposât. Il chercha ensuite le flotte d'Espagne, il l'attaqua, et la défit. Malgré cette victoire de l'Amiral Bing, la Sicile n'en succomba pas moins. Les Milices Siciliennes, au nombre de vingt mille hommes, se rendirent au camp du Marquis de Lede; la Noblesse leva des régiments à ses dépens; les Ecclésiastiques même firent des associations en sa faveur; on était déjà las du Gouvernement du Duc de Savoie; ses querelles avec la Cour de Rome avaient fort indisposé les peuples; on craignait encore plus de retomber sous le joug Allemand, et on revoyait avec joie ses anciens maîtres, dont on avait éprouvé la bonté. Messine se rendit, et il ne restait aux Impériaux que Melazzo et Syracuse; la première de ces places fut assiégée, et les Allemandes qui voulurent la secourir furent entièrement défaits.


Abrégé de l'Histoire des Électeurs de Brandebourg

Atlas Historique-Gueudeville

Sa Majesté fit publier l'année suivante (1718) un Édit, touchant les franchises dont jouiraient ceux qui s'établiraient dans ses États, sans y exercer de professions de bourgeois. Cet Édit portait en substance: que Sa Majesté ayant été informée que diverses familles Nobles et de condition bourgeoise, vivant de leurs rentes, souhaitaient venir s'établir dans ses États, et particulièrement au Pays de Clèves, pourvu qu'elles pussent y jouir de certaines franchises. Elle avait résolu de déclarer publiquement:

I. Que toutes ces familles seraient et demeureraient exemptes pendant quinze ans de logement de gens de guerre, de contribution pour ces logements, de guet et de garde, et de toutes les autres charges civiles de bourgeois, et en particulier, qu'elles ne pourraient être contraintes contre leur volonté à s'enrôler dans les Compagnies de Bourgeois.
II. Que lorsque ces mêmes familles, après avoir demeuré peu ou longtemps dans les États de Sa Majesté, voudraient se retirer ailleurs, elles en auraient toujours la liberté, et les Régences ni les Magistrats des Villes ne pourraient sous quelque prétexte que ce fût, exiger d'elles aucune chose pour le droit de sortie.
III. Que ces familles jouiraient aussi de tous les privilèges et exemptions contenus dans les Édits ci-devant publiés.
IV. Que tous ces étrangers sans distinctions, et de quelque nation qu'ils fussent, seraient employés, seraient employés, comme les autres habitants, pour remplir toutes les charges militaires et civiles dont ils seraient jugés capables.

Le Roi fut attaqué cette année de la petite vérole qui se manifesta le 12 mai. Sa Majesté était alors à Brandebourg. La Reine à la première nouvelle qu'elle en reçut partit de Berlin afin de venir prendre soin du Roi, qui se tira heureusement de cette dangereuse maladie. Le mois suivant Sa Majesté se rendit à Konigsberg, où elle remit aux États du Pays la vielle dette de 150 mille Risdales. Il n'y fit point de grands changements, comme on s'y était attendu. Il y établit seulement un Conseil de Commerce, composé de deux négociants Anglais, deux Hollandais, deux de Konigsberg, et deux députés des villes. Mr. Ostens, Chancelier, en fut fait Président, et Mr. Negelin vice-président.

Pour engager la Pologne, la Lithuanie et la Samogitie à tirer des marchandises de ce pays, Sa Majesté exempta ces Provinces des Droits de Sortie, à condition que le péage de Libiunesch serait aboli. Cet établissement fit espérer de voir refleurir le commerce dans cet État.

Sur l'arrivée de quelques Exprès, avec avis que la Reine était attaquée d'une fièvre assez violente, le Roi partit de Konigsberg le 8 juillet, pour retourner à Berlin, où Sa Majesté arriva quelques jours après. A l'arrivée du Roi, la Reine se trouvait déjà beaucoup mieux, et en état d'être dans peu parfaitement rétablie.


Abrégé Chronologique de l'Histoire d'Angleterre

Atlas Historique - Gueudeville

Le commencement de l'année suivant fut marquée par une affaire chagrinante. La division se mit dans la famille Royale, et alla si loin, que le Prince et la Princesse de Galles quittèrent le Palais de St. James et allèrent loger chez le Comte de Grantham. Peu de temps après ils achetèrent la maison de Mr. Portman Seymour. Leurs enfants demeurèrent auprès du Roi. On n'a jamais bien su le sujet des mécontentements qui produisirent cette rupture éclatante. On a seulement compris, par les Négociations qui se firent pour la réconciliation, que le Roi n'avait pas assez d'égard pour le Prince et la Princesse de Galles, qui avaient peu de crédit et peu de part aux affaires. Pour prévenir les fâcheuses suites que pouvait avoir cette division, le Roi se hâta de la terminer. Par son ordre, le Grand-Chancellier, les Ducs de Kent et de Kingston et le Comte de Stanhope, se rendirent chez le Prince et y proposèrent les conditions de la réconciliation. La Princesse alla au palais, et eut avec le Roi une longue conférence, qui n'aboutit à rien. Peu de temps après le Roi fit assembler les douze Juges du Royaume, pour avoir leur avis. Il en fit avertir le Prince de Galles, afin qu'il envoyât quelqu'un à cette Assemblée, pour exposer ses griefs et soutenir ses prétentions. Son Altesse Royale y envoyât quatre avocats, qui furent le Chevalier Robert Raimond, Mrs. Carter, Darnel et Raynold. La première question qu'on agita fut celle-ci: si le soin de l'éducation des Enfants de la Famille Royale appartenait de droit au Roi. Le grand nombre des Juges fut pour l'affirmative. Ils alléguèrent l'exemple de Charles II qui avait fait élever ses deux nièces dans la Religion Protestante, et les avait mariées a des Princes Protestantes contre la volonté du Duc d'York son frère. Il citèrent aussi l'exemple de Guillaume III, qui avait nommé les gouverneurs et les précepteurs du fils de la Princesse Anne, héritiers présomptifs de la Grande Bretagne par l'établissement des nouvelles lois. L'autre question qu'on agita était: Si le Roi doit retenir pour l'entretien des enfants du Prince de Galles une partie des dent mille livres Sterling que le Parlement doit accorder à ce Prince. Les juges se partagèrent sur cette question, de manière pourtant qu'ils parut assez qu'ils n'approuvaient guère le procédé du Roi. La Consultation fut aussi inutile que les conférences. Le Prince et la Princesse tinrent ferme: ils laissèrent au Roi le soin de l'éducation de leurs enfants, mais aussi il lui en laissèrent faire toute la dépense, et ne relâchèrent rien de leur cent mille livres Sterling. On garda de part et d'autre tous les ménagements que la bienséance pouvait exiger. Le Prince et la Princesse se trouvèrent souvent avec le Roi aux fêtes et aux divertissements publics. Le Roi dans ces circonstances donna à son petit fils le titre de Duc de Gloucester, et forma la Maison des jeunes Princesses. La mort du second fils du Prince de Galles, né à la fin de l'année précédente, donna occasion au Roi de marquer beaucoup d'amitié à la Princesse de Galles. On ne se réunit pourtant point, on continua à vivre séparément, et à faire une Cour particulière.

Dès que les projets du Conseil d'Espagne, eurent éclaté par l'invasion de la Sardaigne, le Roi d'Angleterre et le Duc d'Orléans s'appliquèrent à les renverser. D'abord ils s'entremirent comme médiateurs, mais leurs projets d'accommodement n'ayant pas eu lieu, ils cessèrent bientôt de faire ce personnage, et aux sollicitations ils joignirent les menaces de contraindre à l'acceptation des propositions qu'ils avaient faites. Le Cardinal Alberoni, premier Ministre du Roi d'Espagne, ne témoigna pas d'abord son mécontentement, il entretint même la négociation; mais il n'en persista pas moins dans ses résolutions. La flotte d'Espagne mit à la voile le 18 de juin. Comme on n'avait cru qu'elle attaquerait le Royaume de Sicile, on avait pris toutes les mesures possibles pour la mettre en état de défense. Le Cardinal avait donné le change à toute l'Europe: il en voulait à la Sicile. Les grands préparatifs qu'il avait fallu faire pour cette expédition hâtèrent la conclusions des Traités. L'Abbé Dubois de la part du Duc d'Orléans convint des conditions avec les Ministres d'Angleterre. Le fond de cette négociation était un traité entre l'Empereur et Philippe V. On y réglait, et on terminait leurs différents. Lé Médiateurs qui s'étaient érigé en arbitres, s'engageaient à prendre les armes contre celui des deux Princes qui ne voudrait pas se soumettre à leur direction. On proposait des conditions de la Paix à faire entre le Roi d'Espagne, le Roi de Sicile, et l'Empereur. Ces conditions acceptées par Sa Majesté Impériale, étaient suivies d'un Traité d'Alliance particulière de ce Prince avec les trois puissances, qui s'intéressaient tellement à la Paix, qu'elles voulaient elles mêmes entrer en guerre pour qu'elle régnât dans toute l'Europe. Les États Généraux ne refusèrent pas absolument de ratifier ce traité, mais sous différents prétextes ils suspendirent leur consentement; de manière que le changement des circonstances les dispensèrent de le donner ou de le refuser absolument. On avait joint à ce traité des moyens bien efficaces. Le Roi d'Angleterre offrit sa médiation au Grand Seigneur pour la paix qu'il souhaitait conclure avec l'Empereur: elle fut acceptée, et le traité fut signé à Passarowitz au mois de juillet. On équipa dans les ports de la Grande Bretagne une puissante flotte, capable de s'opposer à celle d'Espagne et d'arrêter ses progrès. Cette flotte sous les ordres de l'Amiral Bing partit dès le mois de juin pour se rendre dans la Méditerranée. Mr. Stanhope fut envoyé à Madrid pour y signer le traité de paix de cette Cour avec l'Empereur, il accompagna cette signification de cinq propositions, qui contenaient les résolutions des Médiateurs.

L'action de l'Amiral Bing contre la flotte Espagnole excita de grands murmures en Angleterre. On n'avait rien oublier pour envenimer les esprits à ce sujet.

Le Cardinal Alberoni affecta dans cette occasion à l'égard des Anglais une complaisance et une modération, qui les fit beaucoup crier contre le Ministère. Il ordonna de relâcher ceux de cette nation qui avaient été arrêtés après le combat de Syracuse, en leur rendant ce qui leur appartenait et en promettant qu'on rendit aux propriétaires les effets qu'ils avaient sur les galions. Ces circonstances et d'autres encore obligèrent le Roi à recourir promptement à son Parlement. Le discours qu'il y fit avait pour but principal d'animer contre l'Espagne, et de justifier ce qu'il avait fait contre elle. Le discours de Sa Majesté fut vivement contredit. Ceux qui n'étaient pas pour la Cour improuvèrent les Alliances, et blâmèrent hautement les actions de l'Amiral Bing.

Le Roi, toujours mécontent de l'Espagne, prit la résolution de lui déclarer la guerre. Sur la fin de décembre, ce Prince fit notifier aux deux Chambres, qu'après avoir fait conjointement avec la France des efforts inutiles pour obtenir une réparation de divers torts et injures faites aux sujets et négociations de la Grande Bretagne par le Roi Catholique, et pour l'engager à suspendre ses injustes hostilités, il avait résolu de lui déclarer la guerre. Cette guerre fut déclarée avec les solennités ordinaires. La déclaration exposait divers griefs contre l'Espagne; entre autres, d'avoir saisi les effets dont les Anglais des Anglais depuis l'affaire de Sicile, d'avoir ordonné à ses sujets d'armer contre les Anglais, de les attaquer, de les saisir, eux, leurs biens et leurs vaisseaux.

On y touchait aussi les vrais motifs de la guerre et des traités qui y obligeaient. C'était, disait-on, pour mettre le Roi d'Espagne hors d'état de faire valoir ses prétentions sur la Couronne de France, et de donner du secours au Prétendant à la Couronne de la Grande Bretagne. On arma en France et en Angleterre, et l'Empereur en fit autant de son côté.

 


Chronologie pour servir à l'Histoire de Suède

Atlas historique-Gueudeville

Charles Ces grands préparatifs de guerre alarmèrent les Danois, et les firent remuer. De concert avec la flotte Anglaise, ils se présentèrent devant le port de Gottenbourg, dans le dessein de ruiner les vaisseaux Suédois qui y étaient. Mais comme on avait élevé des batteries de deux côtés de l'entrée du havre, et que l'on avait ôté les signaux qui marquait les écueils qu'on doit éviter, ils n'osèrent entreprendre d'entrer. Ils se contentèrent de débarquer des troupes sur les côtes du Bleking et ensuite dans l'île d'Oeland, où ils enlevèrent quelque butin.

Tandis que le Roi de Suède se mettait en posture pour faire tête à ses ennemis et même pour les attaquer, sans pour autant publier l'expédition qu'il méditait, les Conférences d'Ahland allaient leur train. On y avait même dressé les plans pour la paix particulière de la Suède avec la Moscovie, il était à croire que le Roi de Suède les approuverait; car non seulement le Czar s'engageait de ne point troubler ce Prince dans l'exécution de son dessein sur la Norvège, il promettait encore de l'assister après cela puissamment contre ses ennemis. Charles comptait même si fort sur la stabilité de ce traité, qu'il dégarnit entièrement les provinces voisines du Czar, pour faire passer sur la frontière de Norvège les troupes qui jusque là avaient été chargées de faire tête aux Moscovites.

La conquête de la Norvège était devenue la plus forte passion du Roi. Dès le mois d'octobre il avait fait passer dans ce Royaume un corps de dix mille Suédois, sous les ordres du Général Arenfeld, qui avait pénétré dans le pays, et qui en était venu deux fois aux mains avec les Danois.

Le Roi quelque temps après suivit son Général, à la tête de dix huit mille hommes, et forma le siège de Friderickshall, tandis que le Prince de Héréditaire de Hesse Kassel observait l'ennemi avec un corps de neuf mille hommes..

Le 11 décembre, entre les huit et neuf heures du soir, le Roi passa dans la tranchée pour visiter les travaux. Comme on faisait de la ville un feu continuel et violent, et que Sa Majesté monta sur un gabion et s'appuya le ventre contre le parapet, ou pour découvrir le dessein de l'ennemi, ou par motif de bravoure et d'intrépidité, on lui représenta le danger et on le pria de ne point tant s'exposer; mais c'était s'engager à rester, et à braver le péril plus longtemps. En effet ce Prince dit aux officiers qui lui avaient fait ces remontrances, d'aller à leurs postes; ajoutant cependant qu'il allait descendre.
Quelques minutes après, les inquiétudes de ces mêmes officiers recommençant, ils convinrent qu'il fallait tirer le Roi de cet endroit, en lui demandant des ordres, ou en l'invitant à venir voir quelque ouvrage.

   

L'ingénieur Maigret, Français de naissance, et avec qui le Roi était familier, se chargea de la commission Il le trouva au même endroit et en la même posture, toujours debout, ce qui avec l'obscurité l'empêchait de voir qu'il fut mort. Il l'appela deux ou trois fois, Sire, et ne recevant point de réponse, et le trouvant immobile, il criât aux officiers qui n'étaient pas loin, qu'il craignait quelque malheureux coup. Ils accoururent avec une petite lanterne, qui leur découvrit le Roi, la main gauche gantée, appuyée sur la garde de son épée, posture qui lui était ordinaire quand il était debout et en repos; son gant était tout ensanglanté; sa tête était seulement tournée en arrière par la violence du coup, qui lui avait brisé tout l'os supérieur de la tempe gauche, enfoncé dans la tête la prunelle de l'œil du même côté, fait sortir la prunelle de l'œil droit presque toute dehors, et laissé un trou à mettre quatre doigts, ce qui fit juger que c'était une cartouche de fauconneau; et par la situation ou était ce Prince, on crut que le coup était venu d'un petit fort (fort Oswerberg), qui faisait un feu terrible, et dont les coups portaient le plus directement à l'endroit où le Roi fut tué.

Ainsi mourut Charles XII, âgé de trente six ans, cinq mois et treize jours; le plus intrépide héros de notre siècle. Persuadé, à ce qu'on prétend, du dogme de la prédestination, il croyait que rien ne pouvait lui arriver, soit bonheur, soit malheur, qu'en vertu d'un décret inévitable. Il eut été le plus glorieux et le plus heureux Monarque de l'Univers, s'il avait aussi bien profité des victoires, qu'il savait les gagner, et si la prudence eut toujours secondé sa valeur.

Ulrique Éléonore

La nouvelle de la mort du Roi ayant été portée aux Prince de Hesse Cassel, Son Altesse fit appeler les principaux officiers, à qui elle la communiqua. On tint ensuite un Conseil de Guerre, dans lequel il fut résolu d lever le siège de Frerickshall, d'envoyer arrêter le Baron de Goertz qui était en chemin pour se rendre en Norvège, et de dépêcher un officier de Stockholm, pour faire part à la Princesse Royale de la mort du Roi son Frère. Le bruit s'étend répandu à Stockholm, que l'armée avait proclamée Son Altesse Royale pour Reine, le Clergé l'annonça comme telle au peuple dans les églises. Mais le Sénat, qui pensait profiter de l'occasion pour faire revivre les anciens privilèges de la Nation, conseilla à cette Princesse de publier une déclaration par laquelle elle protestait avoir résolu d'abolir absolument tout pouvoir despotique, auquel elle renonçait tant pour elle que pour ses descendants et successeurs à perpétuité; et pour prendre les mesures convenables à ce sujet, elle invitait les États du Royaume à se trouver à Stockholm le 31 de janvier.

 

Dans cet intervalle, le Baron de Goertz fut amené à Stockholm, où on le resserra fort étroitement. Le Comte Vander Nath, le Secrétaire Ecclef, et tous ceux qui avaient le maniement des finances, les créatures et les domestiques du baron de Goertz, et quantité d'autres personnes furent pareillement arrêtées. Après quoi on publia une autre déclaration, tant au sujet des Muntekens, ou billets de monnaie, qui avaient été introduits depuis peu en Suède, qu'au sujet des Dallers, espèce imaginaire qu'on avait porté le prix à trente deux sols, quoique dans leur valeur naturelle il ne fut tout au plus que la quatrième partie d'un sol. La nouvelle déclaration régla la diminution de ces espèces.



Histoire du Danemark

Journal Historique du Dannemarc

Le Roi fait des préparatifs pour exécuter le projet de descente dans le pays de Schonen, et est en négociations avec des Princes voisins, pour avoir d'eux quelques troupes auxiliaires. Mars 1718. Nomination de commissaires pour examiner les dommages causés par les inondations, pour faire travailler aux réparations nécessaires, et au dessèchement des terres submergées.

Le Roi envoie des ordres publiés dans le Holstein, pour que tous les Bailliages aient à tenir prêtes les voitures nécessaires pour les réparations des digues rompues par l'inondations

Avril, le Roi fait la revue des troupes qui sont en quartier à Roschild et à Wordinbourg: fait Amiral le Sieur Judiker, ci devant vice-amiral, et donne ses ordres pour faire équiper promptement le reste de ses vaisseaux. La Noblesse du Holstein envoie deux Députés au Roi, pour demander la diminution de plusieurs impôts attendue la dernière inondation. Les Commissaires nommés pour examiner le dommage, en doivent faire leur rapport.

Mai, le Roi ordonne à l'Amiral Rabe, d'aller chercher l'escadre Suédoise.

18 au 15 juin, voyage du Roi à Fridericsbourg. Sa Majesté arrive à Gottorp, après avoir fait la revue de ses troupes dans le pays de Fuhnen: de là va à Rendsbourg et à Gluckstadt.

Juin, l'escadre Anglaise se joint avec la Danoise dans le Kioggerbucht, pour faire voile jusqu'à la hauteur de Bornholm et observer celle des Suédois.

Démolition de Wismar entièrement achevée.

Juillet, le Sieur de Wernicke chargé des affaires de Sa Majesté à la Cour de France, est fait Conseillé d'État.

Août, septembre, le Roi dans la Province de Laland. Embarquement de quatre bataillons pour renforcer l'armée de Norvège, commandée par le Général Budde.

Défaite de son armée par les Suédois: il est obligé de se retirer à Drontheim, dans la crainte d'y être assiégé, il s'y fortifie.
Le défaut de vivres et de fourrages obligent les Suédois de lever le siège de Drontheim.

Novembre, le Prince Charles, troisième fils du Roi, étant à une maison de campagne, court le risque d'être enlevé par un parti qu'un armateur Suédois à débarqué.

Le Roi revient de Fridericsbourg à Copenhague avec le Prince son fils aîné, qui commence d'entrer dans le Conseil d'État.

20 décembre Fridericshall est assiégé par les Suédois, qui lèvent le siège.

Les Suédois entre dans la Norvège; attaquent les postes de Swinesund; s'en rendent maîtres; s'approchent de Drontheim; et marchent vers Christiania.

Le Major Général Budde fait un dégât général dans ce pays: brûle les grains et les fourrages qu'il ne peu faire transporter: fait publier des défenses d'en vendre aux Suédois, sous peine de la vie, tellement que les paysans mettent eux mêmes le feu à leurs magasins, ne pouvant les sauver.

26 décembre, le Sieur Tordenschild arrive de Norvège à Copenhague, et donne avis du changement entier arrivé dans ce pays, par la mort du Roi de Suède.

Le Roi ordonne pour le premier jour de l'an, des actions de grâces à Dieu, pour la délivrance de la Norvège.

 

Jean-Louis Vial