MDCCXXVI
Année 1726
Chronique du Saint Empire
Abrégé de l'histoire de l'Empire

Les affaires de religion entretiennent les divisions de la Diète. Le peu de satisfaction que reçurent les protestants, ne servit qu'à rendre leur union plus étroite, comme ils le firent voir par un mémoire du 28 février: on tenta même de réunir les Luthériens et les Calvinistes, à l'égard de leurs dogmes. Le projet parut réussir, tandis qu'il n'y eut que des politiques qui s'n mêlèrent; mais il échoua lorsqu'on consulta les ministres. Un autre objet fixa pour longteps lattention de la Diète: ce furent les instances que plusieurs états firent de modèrer leur taxe matriculaire

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Toutes les Puissances furent sollicitées d'enter dans cette Alliance. Le Roi de Suède y entra, et le Landgrave de Hesse-Cassel s'engagea d'entretenir douze mille hommes à la solde d'Angleterre. Par-là presque toute l'Europe se trouva partagée entre ces deux Alliances. On publiait en Angleterre, que le traité d'Hanover n'avait été conclu que dans la vue de maintenir la tranquillité publique. On s'y plaignait en effet que l'Empereur s'était comme obligé par des Traités secrets, à procurer même par la voie des armes la restitution de Gibraltar et à rétablir le Prétendant sur le Trône.

Le Roi de Grande-Bretagne ne se contenta pas de faire ces plaintes dans sa harangue au Parlement, il les publia encore dans des écrits qui furent distribués aux membres de cet Auguste corps. Tout cela ne manqua pas d'aigrir la Nation ; et l'on se prépara à la guerre avec d'autant plus d'ardeur, que l'on était bien aise d'arrêter en même temps le commerce de la Compagnie d'Ostende. On ne s'en tint pas là. Le Sieur Le Heup, Envoyé de la Cour Britannique à la Diète de Ratisbonne, y distribua des écrits dans lesquels il faisait contre l'Empereur les mêmes plaintes, qui avaient été déjà faites en Angleterre par le Roi son Maître



Chronologie pour servir à l'Histoire de Savoye
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La Princesse de Piémont accoucha fort heureusement l'année suivante, d'une Princesse. Une affaire qui causa beaucoup de joie à la Cour, fut la nouvelle qu'on y reçut que les différents qui régnaient depuis si longtemps entre les deux Cours, au sujet des Évêchés et Abbayes de Sardaigne, étaient non seulement terminés, mais aussi que le Pape dans un Consistoire secret, tenu le 9 décembre, avait reconnu Sa Majesté en qualité de Roi de Sardaigne.



Abrégé de l'Histoire des Électeurs de Brandebourg

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Au commencement de l'année 1726 la Cour se trouva dans la grande joie, causée par la naissance d'un Prince dont la Reine accoucha le 18 janvier. Le Roi fit savoir au Prince Royal qu'il le nommait un des Parrains, avec ordre de venir complimenter la Reine, en la nommant Madame ma Commère. Le jeune Prince fut baptisé le 20 par Mr. Noltenius, et nommée Frédéric Henri Louis. Les autres Parrains et Marraines étaient, la Reine de France, les Duc d'Orléans et de Bourbon, la Reine de Pologne, le Roi de Danemark et les Cantons Suisses. Les Magistrats des Villes et Places de la Domination de Sa Majesté Prussienne ayant reçu ordre de faire un dénombrement exact des jeunes hommes non mariés, depuis l'âge de 20 ans jusqu'à 36, il parut par les États qui en furent envoyés en Cour que le nombre en était environ 14 00 mille. Les Officiers des forêts eurent aussi ordre de dresser des États de tous les jeunes hommes de leurs départements.

Il parut cette année un Édit du Roi, qui défendait sous de rigoureuses peines à tous ses Officiers et Soldats de faire Aucune Dette, et à tous Marchands de leur faire aucun crédit, sauf aux Commandants de répondre de certaines sommes en faveur des Officiers qui auraient besoin d'emprunter pour le bien du service.

Le traité que la Cour de Prusse négocia cette année avec l'Empereur et la Czarine, contenait une garantie des possessions et successions respectives, et une assistance de douze mille hommes contre ceux qui entreprendraient quelque chose pour troubler les parties contractantes. Ce même traité contenait encore une Garantie secrète des Droits de la Maison de Brandebourg sur les Duchés de Juliers et de Bergh, ou Équivalent de la même valeur, à la bienséance du Roi de Prusse, qui, en qualité d'Électeur de l'Empire, entrait dans les mesures déjà prises par le Corps Électoral avec la Maison d'Autriche, pour soutenir la paix et l'Alliance de Vienne.

 



Abrégé Chronologique de l'Histoire d'Angleterre
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Le Roi fut de retour à Londres au commencement de l'année suivante. D'abord il assembla son Parlement. Après lui avoir communiqué ses craintes et ses inquiétudes au sujet des engagements contractés par quelques Puissances, il leur parla des espérances du Prétendant, pour les déterminer et les disposer à ce qu'il souhaitait. Le Parlement se conforma aux inclinaisons du Roi. Les Adresses des deux Chambres furent remplies d'ardeur et de zèle pour la défense du Souverain et de reconnaissance pour sa sagesse, son application infatigable au bonheur et à la tranquillité de ses Sujets. L'espérance des Puissances étrangères de se rendre formidables à la Grande Bretagne fut traitée de vaine, la cause du Prétendant fut regardée comme agonisante et désespérée. Dans l'ardeur où l'on était, les subsides furent promptement et libéralement accordés.

Sur l'assurance que donna le Parlement de fournir à toutes les dépenses, on équipa tout à la fois trois escadres nombreuses; l'une pour la Mer Baltique sous les ordres du Chevalier Wager; la seconde pour les côtes d'Espagne, commandée par le Chevalier Jennings, la troisième pour les Indes, conduite par le Vice-Amiral Hosier. Ces escadres n'étaient que pur la conservation de la paix. Celle du Chevalier Wager se promena sur la mer Baltique, et se contenta de protéger le commerce Anglais. La flotte Russienne, soit qu'elle craignit de se commettre avec cette escadre de vingt et un vaisseaux de guerre, ou qu'elle n'en eut aucun dessein, se cantonna dans ses ports, et se contenta de veiller à la sûreté de ses côtes. Les escadres du Chevalier Jennings, à peu près aussi forte que celle de la Mer Baltique en nombre de vaisseaux, mais chargée de troupes de débarquement, et quantité d'artillerie et de munitions de guerre, visita les côtes d'Espagne; dont on lui ferma tous les ports.

Ses ordres portaient de croiser entre Cadix et le Cap Saint Vincent pour intercepter les galions; mais il les attendit inutilement, ils ne parurent pas. Il lui était encore ordonné de veiller à la sécurité de Gibraltar, d'y envoyer, en cas de siège, toutes les troupes de débarquement qu'il avait à bord, de faire entrer dans ce port tel vaisseau de guerre qu'il jugerait à propos; et si l'Espagne déclarait la guerre, il devait se servir de toutes les forces qu'on lui mettait en main pour causer à l'ennemi toutes sortes de dommages. L'Amiral ne fit rien de tout cela. Il se contenta de se monter aux côtes d'Espagne, de causer quelques alarmes aux habitants, d'assurer et de protéger le commerce. Le Vice-Amiral Hosier avait moins de vaisseaux, mais il était autorisé à se faire joindre par tout ceux qui étaient dans ces mers. Sa Commission était d'empêcher les galions de sortir des ports des Indes, de les prendre s'il en sortaient; et de les poursuivre jusqu'à ce qu'il les eut pris. Ces ordres furent inutiles. Aucun galion ne fut pris, et l'argent même qu'ils devaient transporter avait été mis en sûreté bien avant dans les terres.

Le Roi, en envoyant la flotte dans la Mer Baltique, avait écrit à l'Impératrice de Russie une lettre, dans laquelle il marquait à cette princesse: que les grands préparatifs de guerre qu'elle avait fait en temps de paix avaient donné à tout le Nord de justes sujets d'ombrage, et qu'elle ne devait pas être surprise de voir dans ces mers une escadre Anglaise en état de prévenir les dangers qui pourraient naître d'un armement si considérable. Ce Prince vantait fort ses inclinations pour la paix, et faisait un long détail des démarches qu'il avait faites pour vivre en bonne intelligence, et cimenter une Alliance ferme et durable entre les eux Couronnes. Il reprochait que toutes ses instances avaient été éludées par de vains délais, qu'on avait pris des mesures en cette Cour en faveur du Prétendant; et qu'on n'y nourrissait les espérances de ses adhérents. La lettre finissait par une exhortation pour déterminer cette Princesse à terminer ses desseins de guerre. L'Impératrice répondit à ce Prince qu'elle avait été fort surprise de ne recevoir sa lettre qu'au même instant que sa flotte avait jeté l'ancre devant Revel, puisqu'il aurait été plus conforme à l'usage établi par les Souverains que Sa Majesté se fût expliquée sur ses inquiétudes avant que d'en venir à un pas si offensant; qu'elle aurait pu être assurée sans faire d'éclat et de dépense, que la Russie, plus intéressée au repos du Nord que la Grande-Bretagne, ne pensait point à le troubler, qu'au contraire elle apportait tous ses soins et toutes ses attentions pour l'affermir. On traitait d'accusation frivole les mesures prises en faveur du Prétendant. On disait qu'elles n'existaient que dans l'imagination des Ministres Anglais, qui ne cessaient point de se servir de ce vain fantôme pour inquiéter toute l'Europe et pour justifier la violence et l'injustice de leurs entreprises.

On ajoutait que ce Prince était le maître de donner à son Amiral les ordres qu'il jugeait à propos, mais qu'il devait penser qu'en qualité de Souveraine on prétendait aussi peu recevoir des Lois de personnes, que de s'oublier au point de vouloir en donner à d'autres.

Il y eut aussi des reproches et des plaintes entre la Cour de Vienne et celle d'Angleterre. La première soupçonna qu'on avait excité la Porte a profiter des circonstances pour réparer les pertes qu'elle avait faites. Sur ces soupçons on avait arrêté un Messager de la Grande Bretagne envoyé de Constantinople, on l'avait gardé près d'un mois, et on avait déclaré qu'on n'en laisserait plus passer. Le Résident Anglais se plaignit de ces bruits répandus et de l'arrêt du Courrier. Il écrivit au Comte de Sinzendorff, que la Cour regardait ce procéder comme une violation du Droit public, et qu'elle demandait une réparation proportionnée à l'insulte qui lui avait été faite.

Pendant tout ces démêlés les Négociations se continuaient partout avec beaucoup de vivacité. Les États de Suède se tenaient à Stockholm. Les Ministres de l'Empereur, de France, d'Angleterre, de Russie, plaidèrent la cause de leurs Maîtres.

Mr. Pointz, Ministre de la Grande Bretagne, profita de l'arrivée de l'escadre Anglaise pour presser la Cour de Suède de se déterminer. Il fit beaucoup valoir l'attention du Roi Georges à garantir la Suède des dangers à quoi elle s'exposait par ses délais et par ses irrésolutions. Il demanda une réponse positive, afin que les Alliés d'Hanovre n'eussent pas lieu de croire qu'on voulait les amuser par une Négociation inutile, et qu'il pussent chercher ailleurs ce qu'on leur avait refusé. Ces instances, l'Escadre Anglaise, et l'argent qu'on n'épargnait pas, produisirent l'effet que l'on souhaitait. Quoique l'union de la Suède avec les Alliés de Hanovre fut résolue, elle ne fut pourtant consommée et déclarée qu'au mois de mars de l'année suivante.



Chronologie abrégée des Rois et Ducs de Pologne
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On vit l'effet qu'avait opéré cette Déclaration , dans le Senatus Consultum, qui fut convoqué à Varsovie au commencement de l'année 1726. L'Évêque de Cracovie y représenta que l'on ne devait pas donner lieu à une rupture par quelque acte d'hostilité; que d'un autre coté il ne fallait pas exposer la République à quelque dommage en négligeant de recourir aux expédients que l'on avait en main; et qu'ainsi il croyait que l'on pouvait se contenter de réparer les fortifications de Thorn, d'Elbing, de Posnanie, et en augmenter les garnisons. Qu'en cas de rupture il serait nécessaire de faire assembler les petites Diètes, et donner aux Nonces de nouvelles instructions. Qu'il fallait engager les Puissances Protestantes, et surtout le Roi de Prusse, à accorder dans tous leurs états la même liberté aux Catholiques, qu'ils demandaient pour les non-conformistes. Les avis des autres Sénateurs furent assez conformes à celui de l'Évêque de Cracovie.

Ces dispositions pacifiques n'empêchèrent pas qu'Auguste ne publiât les premiers Universaux pour la Pospolite Ruszenienne;et le généraux de l'armée eurent ordre de faire en sorte qu'elle se tint prête à marcher au premier commandement. Ce qui contribua encore à faire changer les Polonais de sentiment, fut l'affaire de la Courlande qui causa beaucoup d'embarras au Roi et à la République. Les Russiens qui étaient maîtres dans cette Province, voulaient la conserver à la Duchesse Douairière, Nièce du feu Empereur Pierre le Grand. Auguste paraissait souhaiter d'en faire tomber la succession à son fils le Comte Maurice. La République, au contraire, la revendiquait, et voulait après la mort du Duc la réduire au Palatinat. Le Duc de son côté s'opposait à toutes ces prétentions, et ne voulait pas qu'on disposât pendant sa vie d'un bien qui lui appartenait. Sur ces entrefaites la Régence de Courlande publia des Universaux, pour délibérer sur les moyens de maintenir à perpétuité le Duché, dans ses Immunités et Libertés, de même que la forme du Gouvernement Ducal. Les protestations du Duc Ferdinand qui était alors à Dantzig, n'empêchèrent pas que cette Assemblée n'eut lieu. On proposa trois sujets, savoir, le Duc de Holstein Gottorp, le Prince de Menzikow et le Comte Maurice de Saxe, fils naturel du Roi Auguste et de la Comtesse de Konigsmark. Les suffrages se réunirent en faveur de ce dernier, qui fut élu unanimement le 28 juin. On crut qu'il y avait de la collusion de la part de Sa Majesté, qui serait bien aise de procurer à ce Prince une pareille succession. Mais Auguste pour désabuser les Polonais, écrivit au Comte son fils qu'il désapprouvait sa conduite, et qu'il n'avait ni protection ni secours à attendre de sa part, puisque le Sénat jugeait que cette élection donnait atteinte aux Droits de la République.

On porta cette affaire à la Diète de Grodno, dont l'ouverture se fit le 28 septembre. La plupart des Nonces y demandèrent que le Roi donnât un Diplôme, pour révoquer l'élection du Comte de Saxe, et que Sa Majesté employât l'autorité qu'elle avait sur ce Prince, pour l'obliger à sortir de la Courlande, de comparaître à la Diète, et de remettre la patente de son élection. Auguste se prêta à toutes ces demandes, et s'engagea d'enter dans toutes les mesures que la République jugerait nécessaire dans cette occasion. Comme le Comte de Saxe ne comparut point à la Diète et ne remis point la patente de son élection, on résolut de le mettre au Ban de la Pologne, et d'établir une Commission qui se transporterait en Courlande, pour régler les affaires de ce Duché.

Il y eut de grand débats à la Diète au sujet de l'admission de Mr. Finch, Envoyé du Roi de la Grande Bretagne. On avait déjà fait à Varsovie difficulté de le recevoir en qualité de Ministre, parce qu'il s'était servi d'expressions offensantes contre les Polonais tant à Dresde qu'à Ratisbonne, au su et de la Commission de Thorn. Plusieurs Nonces furent d'avis qu'il fallait prier le Roi de ne lui pas donner d'Audience, et insister à la Cour d'Angleterre pour qu'il fut rappelé. d'autres représentèrent que ce Ministre aurait peut être quelque chose d'important à proposer à la République, et voulurent examiner le contenu des lettres du Roi de Grande Bretagne; mais après en avoir entendu la lecture, toute la Chambre fut irritée des termes dans lesquels elles étaient conçues, que l'on conclut non seulement de ne point accorder d'audience à Mr. Finch, mais encore de n'admettre aucun Ministre de ce Prince.

Les Nonces se plaignirent aussi hautement de la Cour de Rome. Ils représentèrent qu'elle se mêlait trop des affaires séculières; qu'elle tirait annuellement plus de cent mille Ducats de la Pologne, et que le Nonce Santini avait de son propre mouvement fait indiquer un Synode pour les Ecclésiastiques Russiens. On convint qu'il fallait secouer un joug qui devenait trop pesant, et en conséquence de cette résolution, on fit fermer la Nonciature et interdit d'exercice de la Juridiction de ce Tribunal.

On ne ménagea pas plus le Roi de Prusse que la Cour de Rome. Monsieur Cracki osa proposer, qu'on pourrait le reconnaître pour Roi en Prusse et non de Prusse; mais qu'il fallait avant toutes choses qu'il restituât le Territoire d'Elbing, et qu'il satisfit à plusieurs autres demandes qu'on lui avait faites. On résolut encore qu'au cas que ce Prince refusât plus longtemps de redresser les griefs dont on lui avait porté les plaintes, et de donner une entière et prompte satisfaction à la République, on convoquerait une Diète extraordinaire et Arrière-ban, afin d'obtenir une satisfaction convenable.

Les principales résolutions qui furent prises dans cette Diète portaient:

-que les Non-Conformistes seraient maintenus dans la paisible possession du libre exercice de leur Religion

-Qu'on accorderait au Roi et ses Successeurs tous les fonds que Sa Majesté avait acheté à Varsovie pour le bâtiment de son Palais

-qu'on nommerait des Commissaires pour écouter les propositions des Ministres étrangers, et traiter avec eux.

-qu'il ne serait plus permis de limiter les Diètes

-il y avait encore quelques autres articles qui regardaient l'affaire de Courlande.

 

 

Jean-Louis Vial