LE FRANCHISSEMENT DES RIVIERES
(2eme partie)

 

MOYENS TECHNIQUES (suite)

Pour de grandes distances on utilise des ponts de bateaux. A ce propos l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert précise " il y en a qui sont de bois fort léger pour pouvoir être portés en campagne; d'autres d'osier et de poisse et couverts de toile cirée; d'autres de bateaux de corde, de fer blanc il y eut également des bateaux de bois avec des essieux et un rouage fixé aux bateaux et enfin de cuivre qui furent les plus en usage et qui se portaient sur des haquets fait exprès" .

Le plus souvent ces pontons sont un assemblage hétéroclite d'embarcations issus des réquisitions aux bateliers locaux, des pontons pris à l'ennemis et de ses propres matériels. " En arrivant dans un pays dont on fait la conquête il faut s'emparer de tous les bateaux que l'on trouve sur les rives, on en à toujours besoins pour les ponts ou le transport des fourrages" .

Il existe aussi des bateaux montés sur des essieux et dont les roues tiennent lieu de chevalet, ils portent avec eux leurs garnitures en poutrelles et madriers. Pour les installer on enlève la volée du bout du timon. Ces ponts roulants suffisent pour une petite rivière de 5 ou 6 pieds de profondeur et 40 pieds de largeurs, ils sont fort utiles pour les avant gardes. Au camp d'Eimbeck en 1761, il y en avait deux qui restèrent établis tout le temps du camps.

Les ponts les plus employés au cours des guerres du 18ème siècles sont fait avec des bateaux de cuivre. L'usage de ces bateaux de cuivre remonte au XVIIème siècle comme l'indique le Sieur de Guillet dans son dictionnaire des gens d'épée de 1680. Ce serait un certain Martinet qui en aurait amené l'usage en France, il s'agit de bateaux de bois recouverts de feuilles cuivre.

Ces bateaux mesurent 2 pieds 9 pouces de haut pour 5 pieds 6 pouces de large et 18 pieds 6 pouces de long.
Ils nécessitent des poutrelles de 22 pieds de long, de 4 pouces et 1/2 de large et de 5 pouces d'épaisseur, des planches de 14 pieds de long, 13 pouces de large et 2 pouces d'épaisseur.
L'espacement entre chaque bateaux est de 9 pieds.

A ces bateaux il faut ajouter tout un attirail de menuisier, charpentier , forgerons... pour les installer, les réparer.

Ainsi pour 50 pontons qui suivent une armée il faut 54 haquets dont 4 haut-le-pied (surnuméraires) avec autant d'avant-trains, et quatre caissons pour mettre les cordages et ustensiles. Il faut aussi 24 ancres, 8 cabestans, 24 leviers, 32 gros piquets, 24 maillets, 12 avirons, 12 crocs. Des cordages dont 8 cinquelles, 24 alognes, 24 grandes commandes et 200 petites. Et pour tirer l'ensemble 6 chevaux par haquet et 4 par caissons soit 340 chevaux.

Ou encore pour installer 2-3 ponts de cuivre sur une rivière de 80 toises de large, il faut 100 haquets et 10 de rechange, 12 nacelles, 12 cabestans et 90 leviers pour servir les cabestans, 70 ancres et 10 cordages d'ancre, 8 cinquelles de 200 toises de long, 80 piquets frétés de 4 pieds de long, 24 combleau, 280 traverses, 280 amarres, 600 poutrelles, 720 mairins de 14 pieds de long 1 pied de large et 2 pouces d'épaisseur, 60 rames, 120 escoupes, 60 crocs à bec droit, 30 masses et tout les outils de charpentier.

Cinquelles, alognes et commandes sont des noms de cordages qui diffèrent par leur diamètre et leurs longueurs.

Chaque bateau de cuivre nécessite un haquet qui en permet le transport. La Chesnaye (1759) en donne la description suivante " les bois qui entrent dans la composition d'un haquet sont: 2 brancards, 6 épars, 8 montants de brancard, 4 courbes montants de courbe, 4 tringles du fond, 2 tringles qui se mettent sur les montants de courbe, 1 châssis de devant garnis de 4 montants de 2 traverses et une petite planche pour arrêter les poutrelles. Une fenêtre par derrière garnie de deux traverses et 5 montants, 2 branches de limonière, une clef pour arrêter le bateau de devant et de derrière. Un haquet à ses roues ferrés comme tout autre chariot" Chaque haquet nécessite un train de 6 chevaux pour le tirer. Le haquet est chargé d'un ponton, de 12 planches de sapin et de 8 poutrelles. On n'emploie que 6 poutrelles par pontons les 2 autres étant de rechange ou pour faire un avant-pont.

MANOEUVRE

L'installation de ponts ou d'un système de bacs nécessite d'être maître des deux rives, aussi leur établissement commence-t-il par le passage en nacelle ou à la nage de troupes légères qui vont assurer la sécurité de la berge opposée.
Puis ils sont rejoins par les premiers ouvriers qui viennent y installer les cordages et les cabestans. En règle le ponton est construit le long de la berge avant d'être basculé dans le courant et amarré à la rive opposée.
Un détachement de cavalerie franchit alors l'ouvrage en premier, et s'installe en avant afin d'assurer la protection de la tête de pont.

Malgré les difficultés, la mise en oeuvre semble relativement rapide si l'on en croit les relations de l'époque, en 1757 deux ponts de bateaux sont jetés sur le Rhin vis à vis de Wesel par M. de Guille en une demi journée. En 1758 un pont de bateau de 2400 pieds ou 400 toises est jeté sur le Rhin près de Cologne par M. Hugel pour l'armée du Prince de Clermont, il est fait avec des agrès et des bateaux de toute espèce rassemblés en 3 jours