par Jean-Louis Vial

ORGANISATION

Les milices ont des origines très anciennes et sont de nature disparate tant par leur recrutement ( milices bourgeoises des villes ou milices levées par les gouverneurs dans les provinces frontalières), que par leur rôle ( chargés de la sécurité d'une cité ou d'une province ).

Les milices bourgeoises participent essentiellement à la sûreté des villes, parfois elles aident l'armée en assurant la garde des prisonniers de guerre. Ce n'est qu'occasionnellement qu'elles prennent une par plus active à la guerre. Leur mode de recrutement, leur organisation est tout aussi diverse qu'est l'administration de chacune des villes de l'ancien régime, c'est un foisonnement de particularismes.

Les milices garde-côtes réorganisées par Louis XIV, sont tirées des paroisses côtières qui sont tenues de fournir des recrues de 16 à 60 ans pour la défenses des régions maritimes. Leur proximité permet une intervention rapide sur les lieux d'un débarquement en attendant l'arrivée des troupes régulières. En contrepartie cette servitude exempte ces mêmes paroisses de fournir des hommes aux milices provinciales.

Les milices coloniales étaient particulièrement bien organisées en Amérique et au Canada ou leur constitution fut dès l'origine une nécessité vitale pour la survie de la colonie. Dès 1669 tout les hommes valides de 16 à 60 ans font partie de ces compagnies. Elles constituent le gros des troupes qui assurent la défense de la colonie. Si leur armement est fournis par l'intendant, leur tenue est civile et typiquement locale. Malgré leur grande valeur ce ne sont toutefois pas des troupes régulières, et si elles sont très efficace dans le raid, le coup de main, proche de la "petite guerre" telle que la pratiquent les troupes légères sur le continent, elles manquent de cohésion et de discipline pour s'opposer aux bataillons de l'armée anglaise. Les troupes régulières envoyées de France en 1755 trop peu nombreuses s'adaptent mal et lentement au condition de vie aussi dès 1756 Montcalm dont les besoins de troupes ne cessent de croître incorpore une partie des miliciens dans les Compagnies Franches de la Marine.

A l'opposé les milices levées aux Indes seront tirées des populations locales. A la différence des indiens des Amériques qui servent d'auxiliaires précieux mais indépendants et imprévisibles, les indiens des Indes ont une organisation sociale plus proche de celle de la vieille Europe, ils sont plus nombreux, plus disciplinés et peuvent être utilisés en bataillon.

La Milice Royale ou Milice Provinciale est créé à la fin du 17ème siècle. La répétition des conflits au cours de ce siècle décime l'armée régulière et impose à Louis XIV de trouver de nouvelles recrues, aussi par l'ordonnance du 24 novembre 1688 est créé un nouveau système de recrutement complémentaire faisant appel la population générale et qui représente la première forme de conscription. Toutefois ces levées ne concernent pas toutes les provinces du royaume. En particulier y échappent certaines provinces ralliées à la réforme, dont le pouvoir central n'est pas sur, ou les provinces récemment acquisent à la France. Pour exemple de cette suspicion les mesures prisent durant la guerre de sept ans par le maréchal de Thomond commandant militaire de la généralité de Guyenne et de Gascogne en l'absence de son gouverneur le duc de Richelieu qui sert à l'armée. Il prescrit toute une série d'ordonnances visant à désarmer les populations de cette région des Pyrénées, sans grand succès d'ailleurs.

Les régiments de milice ainsi formés servent essentiellement à remplacer dans les places les régiments d'infanterie régulière qui partent en campagne. Parfois les bataillons de milice participent aux campagnes militaires mais plus généralement les miliciens viennent combler les effectifs des régiments réguliers qui s'amenuisent au cours des campagnes. Ce sont surtout les Grenadiers Royaux tirés des bataillons de milice qui participent de façon active et valeureuse aux campagnes.

En 1714, sous la Régence la milice Royale est supprimée. Elle est rétablie en 1726.

En 1742 l'obligation de former des bataillons de milices s'étend à toutes les généralités du royaume. Chaque paroisse doit selon sa taille fournir un certain nombre de soldats, mais les privilèges locaux restent la règle créant de grandes disparités. Ainsi telle province doit fournir plus d'hommes que telle autre pourtant plus peuplée, ou encore nombreux sont les corps de métiers exemptés de cette charge, ces dispenses bénéficiant surtout aux artisans citadins, il est donc fait principalement appel à la paysannerie pour composer ces bataillons. La désignation se fait par tirage au sort chaque année, avec un renouvellement par sixième, le service étant de 6 ans. Le remplacement contre de l'argent est interdit mais admis. Les officiers de milice sont choisis parmi les officiers ayant déjà servi, réformés ou retirés dans les provinces, ils sont nommés par le Roi et la vénalité des charges y est interdite chose remarquable pour l'époque. Les bataillons de milice doivent se rassembler régulièrement pendant 10 à 15 jours par ans pour apprendre aux recrues les rudiments des manoeuvres, du maniement des armes, pour faire la revue des soldats et des effets et désigner les bas officiers. Ces camps d'instruction sont surtout bien organisés pour les compagnies de grenadiers qui constituent l'élite des milices, et qui se réunissent chaque année pendant un mois.

Les provinces frontalières par leurs situations géographiques, leurs traditions et leurs privilèges comme le Boulonnais, le Béarn et le Roussillon " ayant toujours entretenu des milices " ont un mode de capitation et une organisation qui leur reste propre. Enfin, notons que les régiments de milice portent le nom de leur colonel joint à celui de la généralité.


ORGANISATION DES MILICES PROVINCIALES
PENDANT LA GUERRE DE SEPT ANS

A l'entrée en guerre en 1756, la Milice comprend 107 bataillons issus des 29 généralités de France. Chacun des bataillons associe 8 compagnies de fusiliers et 2 compagnies de grenadiers, toutes les compagnies sont de 50 hommes.
Par l'ordonnance du 1er janvier 1756 les compagnies de fusiliers passent de 50 à 65 hommes et celles de grenadiers postiches de 50 à 60 hommes, soit 590 miliciens par bataillon. Puis par l'ordonnance du 5 décembre 1756 chaque compagnie de fusiliers est portée à 65 hommes, soit 630 hommes par bataillons.

En mars 1757 les deux bataillons de milice de Mirecourt tirées du duché de Lorraine vont former les régiments Royal Barrois et Royal Lorraine, on ne compte alors plus que 105 bataillons de milice.
Toujours en 1757 on tire 2 compagnies de chacun des 105 bataillons pour former 21 bataillons de 10 compagnies chacune. Ils sont destinés à être employés dans les armées et sur les côtes. Ces 21 bataillons seront encore appelés régiments de recrues car également destinés à servir à la recomposition des bataillons réguliers incomplets. Les 105 bataillons restés affectés à la garde des places en France sont donc réduits à 6 compagnies de fusiliers et 2 compagnies de grenadiers. Par l'ordonnance du 1er novembre 1757, afin de remplacer les compagnies de grenadiers et de fusiliers qui ont été détachées des bataillons de milice pour former les régiments des Grenadiers Royaux ainsi que les régiments envoyés à l'armée, on augmente de 20 hommes chacune des 6 compagnies de fusiliers de telle sorte que ces compagnies sont portées de 65 à 85 hommes sans augmentation des sergents, l'effectif théorique d'un bataillon de milice est alors de 510 hommes . Les milices au complet à la fin 1757 représentent 80010 hommes.

Par l'ordonnance du 20 mars 1758 tous les soldats des bataillons de milices et des compagnies détachées passés en Allemagne sont incorporés dans les troupes de cette armée. Par une autre du 1er avril 1758 les bataillons de milice sont de nouveau portés à 8 compagnies de fusiliers. Mais pour 57 des bataillons les effectifs sont augmentés à 528 hommes répartis en 8 compagnies de 66 hommes plus 2 officiers, alors que les 48 autres bataillons ont des effectifs de 428 hommes en 8 compagnies de 56 hommes plus 2 officiers

L'ordonnance du 25 août 1758 réorganise une fois de plus les bataillons de milice qui sont tous portés à 720 hommes répartis en 8 compagnies de fusiliers à 90 hommes chacune plus 1 compagnie de grenadiers et 1 compagnie de grenadiers postiches. Chacune des compagnies de fusiliers se compose alors de: 2 sergents, 3 caporaux, 3 anspessade, 81 fusiliers, un tambour, commandés par un capitaine et un lieutenant. Chaque bataillon de milice à un état-major est composé d'un colonel sans compagnie et d'un aide-major. Chaque compagnie de grenadiers se compose de 2 sergents, 3 caporaux, 3 ansepessades, 41 grenadiers et un tambour. Chaque compagnie de grenadiers postiches est composée de 3 sergents, 3 caporaux, 3 ansepessades, 51 grenadiers et un tambour commandés par un capitaine et un lieutenant.

Enfin l'ordonnance du 1er novembre 1761 applicable à compter du 1er janvier 1762 modifie une nouvelle fois l'organisation des 105 régiments de milice. Les bataillons sont réduits à 6 compagnies de fusiliers, 1 compagnie de grenadiers et 1 de grenadiers postiches. Les compagnies de fusiliers et de grenadiers conservent les même effectifs et la même organisation que précédemment hormis la création d'une place de capitaine en 2nd dans la compagnie des grenadiers postiches.

Ces disposition générales ne concernent pas les milices de Boulogne, du Roussillon et du Béarn qui pendant la guerre de Sept Ans conservent leur organisation particulière, et sont commandées par la noblesse du pays, ainsi:

La province du Boulonnais fournit 6 régiments d'infanterie de 13 compagnies chacun, comprenant 1 compagnie de 45 grenadiers et 12 compagnies de 40 fusiliers. Cette province entretient en outre de la cavalerie et des dragons.

La province du Roussillon, depuis l'ordonnance du 1er mai 1756 fournit 45 compagnies de milice ordinaire qui forment les Milices ordinaires du Roussillon, de Conflent et de Cardagne.
-20 de ces compagnies de 50 hommes chacune composent les 2 bataillons du régiment de Perpignan.
-34 autres compagnies de 40 hommes chacune s'organisent en 3 bataillons et se répartissent dans différentes places de la province.
-1 compagnie de 50 hommes assure la garnison du château de Salces.

La province du Béarn dont le gouverneur général est le duc de Grammont fournit 3 régiments levés par l'ordonnance du 13 avril 1756. Elles vont constituer les milices Béarnaise, Gramontaise, de Navarre et celles du pays de Labour et de Soule. Chaque régiment de milice est commandé par un lieutenant colonel et un aide major. Le régiment des milices du Béarn dont le duc de Grammont est le colonel-né se compose de 13 compagnies réparties en1 Cie. de grenadiers de 45 hommes et 12 Cies. de fusiliers de 40 hommes. Les bandes Gramontaises et les milices de Navarre qui constituent les deux autres régiments se composent chacune d'un bataillon de 500 hommes en 10 compagnies chacune. Elles sont toutes armées par Sa Majesté et habillées et équipées par la province et les communautés.

Enfin les îles Saintes Marguerite et Saint Honorât sont défendues par une compagnie de milice dont le capitaine est M. de Montboisier. Elle se compose d'un capitaine, deux lieutenants, deux sergents, un caporal, un anspessade, un tambour et trente soldats.

A propos du rang des bataillons de milice l'ordonnance du 25 février 1726 art.XXII indique :" lesdits bataillons de Milice prendront entre eux le rang des régiments entretenus sous le nom des provinces dont ils sont tirés" , et la Chesnaye de préciser dans son dictionnaire, "c'est pour cela que chacun de ces bataillons de milice de province ont les mêmes drapeaux qu'aux régiments d'infanterie qui en portent le nom". Ici encore les provinces frontalières marquent leurs différences par des drapeaux particuliers.


GÉNÉRALITÉS / BATAILLONS des 109 bataillons de milice d'après La Chesnaye en 1757

Paris 6 bat . - Soissons 3 bat. - Picardie 3 bat. - Flandres et Artois 3 bat. - Rouen 5 bat. - Caen 3 bat. - Alençon 4 bat. - Champagne 5 bat. - Bourgogne 5 bat. - Moulins 2 bat. - Bretagne 7 bat. - Orléans 4 bat. - Tours 5 bat. - Poitiers 3 bat. - Limoges 2 bat. - Auvergne 2 bat. - Lyon 2 bat. - Dauphiné 2 bat. - Comté de Provence 2 bat. - Montauban 3 bat. - Auch 3 bat. - Bordeaux 6 bat. - Bourges 2 bat. - La Rochelle 1 bat. - Languedoc 7 bat. - Comté de Bourgogne 5 bat. - Alsace 2 bat. - Hainault & Trois Évêchés 3 bat. - Duché de Lorraine 9 bat.

 

Jean-Louis Vial