L'HOPITAL AMBULANT DE L'ARMEE DE SOUBISE

DURANT LA GUERRE DE SEPT ANS

(Allemagne, Juin-décembre 1757)

 

Cette monographie de l'hôpital ambulant de l'armée de Soubise débute à l'époque de la mise sur pied, en Alsace, en juin 1757 d'une nouvelle armée destinée à seconder l'armée de Westphalie qui combattait en Allemagne. L'armée de Soubise forte de 32 bataillons et de 22 escadrons devait se joindre aux troupes de l'Empire et de ses alliés qui s'assemblaient près de Nuremberg sous le commandement du duc de Saxe-Hildburghausen. Ces armées combinées avaient la Saxe comme objectif. A l'issue d'une marche au coeur de l'Allemagne (Hanau, Hesse) ces troupes rencontraient les Prussiens de Frédéric II à Rossbach (5 novembre 1757). 

A) - La montée en puissance et l'organisation de l'hôpital ambulant (Juillet-septembre 1757).

Lors de son entrée en campagne l'armée de Soubise ne disposait d'aucun hôpital ambulant pour suivre ses mouvements. Le secrétaire d'Etat à la Guerre donna ses ordres, en juin 1757, à M. Gayot, intendant de l'armée pour tout constituer dans les plus brefs délais. Tout devait être terminé pour le 26 juillet 1757 époque où l'hôpital ambulant devait être en mesure de suivre l'armée en campagne.

Médecin en chef de l'armée de Soubise : Le Monnier

Chirurgien-major : Bagieu

Apothicaire-major : Dubois

1) - Le personnel administratif

Commissaire des guerres en charge de l'hôpital ambulant : De Thiville

Directeur de l'hôpital ambulant et entrepreneur de l'équipage : De Boisrozier, bientôt décédé et remplacé par Gouget.

Sous-directeur : Revoil

Contrôleur : Badetz du fort Louis du Rhin

Sous-contrôleur : Servierre

Deux commis aux bureaux, deux commis aux entrées, trois gardes-magasins dont l'un pour les armes, un interprète, un commis aux évacuations, un inspecteur des voitures d'ordonnance. Tous ces personnages protégés par des gens de cour ou ayant déjà fait les campagnes de la guerre de Succession d'Autriche avec de Boisrozier arrivèrent à Strasbourg le 1er juillet 1757. A ces employés " supérieurs " s'ajoutaient cinq infirmiers-majors et 46 infirmiers ordinaires (juillet 1757).

2) - Le personnel médico-chirurgical

Le personnel médico-chirurgical, à l'origine absent, était placé sous la direction du chirurgien aide-major de l'armée Moreau originaire de Lille. Il fut rassemblé en faisant le plus large appel aux ressources médico-chirurgicales du royaume. Pour l'essentiel il se composait de personnels engagés pour la durée de la guerre, encadrés par un faible noyau de militaires professionnels.

Leur centre de recrutement était installé à Paris, à l'hôtel des Invalides. Les sujets retenus étaient mis en route après avoir été " visités " par le médecin du roi Sénac, les chirurgiens La Martinière et Morand, l'apothicaire Cadet.

A la mi-août 1757, alors que l'armée de Soubise dépassait Hanau, seuls six chirurgiens aide-majors sur quinze et 37 garçons chirurgiens sur 46 avaient rejoint l'hôpital ambulant.

3) - L'équipage de l'hôpital ambulant

L'équipage de l'hôpital ambulant placé sous la direction du capitaine Richard Sigrist et du conducteur Macard comprenait, en septembre 1757, quinze caissons dont un haut-le-pied avec 64 chevaux harnachés.

Ces caissons de dix pieds de long, deux pieds de haut " sans la calotte ou grenier ", trois pieds de large furent construits dans l'urgence à Strasbourg. Cette construction prit un tel retard qu'il fallut commander, le 27 juillet, à un sieur Lambert de Strasbourg, douze voitures de transport supplémentaires. Au jour du départ, les caissons réglementaires n'étant pas près, l'hôpital ambulant franchissait le Rhin avec sept caissons surchargés. Le reste des approvisionnements, en particulier les gros volumes de literie, fut transporté par péniches jusqu'à Mayence et de là rejoignit Hanau.

Dès l'entrée en campagne, les caissons de l'hôpital ambulant étant déjà insuffisants, on ne pouvait compter pour les évacuations sanitaires que sur les voitures d'ordonnance transportant les vivres du Parc d'armée, bien souvent des charrettes de paysans, nullement aménagés pour ce type de transport.

4) Les approvisionnements de l'hôpital ambulant

Ces approvisionnements étaient pour l'essentiel :

- soient achetés sur place (drogues, denrées, charpie, etc.)

- soient fabriqués à Strasbourg et en Alsace (caissons de transport, moyens de colisage, caisses spéciales pour les papiers appelées " secrétaires de campagne ", etc.)

- des articles provenant des magasins royaux de Strasbourg, Metz ou Lille (demi-fournitures de literie, couvertures, chaudrons, etc.) ou des entrepôts spécialisés de Paris, à l'Arsenal ou aux Invalides (instruments de chirurgie, chapelle de campagne, bandages spéciaux provenant de marchés publics). 

B) L'hôpital ambulant de l'armée de Soubise en campagne (Juillet-décembre 1757)

1) Le service en campagne jusqu'à Rossbach (Juillet-novembre 1757)

L'armée de Soubise après avoir franchi le Rhin occupait le comté de Hanau (juillet) et poursuivait son action sur Fulda (15-20 août 1757), Eisenach et Erfurt (25 août).

C'est à Erfurt que s'installait l'hôpital ambulant avec quatre satellites : les hôpitaux sédentaires d'Eisenach, Fulda, Hanau et Heidelberg. Cette ville devenait ainsi le centre logistique de l'armée de Soubise. Devant l'avance de l'armée prussienne la ville fut évacuée le 10 septembre.

L'hôpital ambulant dut quitter Erfurt en procédant à l'évacuation de 250 malades sur Gotha où il s'installa, enfin il poursuivit sur Eisenach.

Au lendemain du renforcement de l'hôpital ambulant de l'armée de Soubise par celle de Richelieu, les alliés ayant progressé sur la Saâle, l'hôpital ambulant était déplacé ; de Gotha il fut dirigé sur Burgthonna près de Langensalza. Mais faute de moyens de transport une partie du matériel était laissée à l'abandon (19-21 octobre 1757).

A peine installé à Burgthonna l'hôpital ambulant fut porté à Steigra où il fonctionna la veille de la bataille de Rossbach (5 novembre 1757).

2) L'hôpital ambulant dans la bataille de Rossbach et la retraite sur Nordhausen (5-10 novembre 1757)

La veille de la bataille, en prévision des évacuations à venir, l'hôpital ambulant évacuait 145 malades de Steigra sur Erfurt. Le jour de la bataille un élément de l'hôpital ambulant s'installa sur le champ de bataille de Rossbach avec quatre caissons chargés de pain, vin, viandes, eau de vie, médicaments, draps à pansements, charpie et autres effets et ustensiles.

" A l'usage on s'aperçut de plus que ces caissons avaient été construits sans tenir aucun compte des nécessités du service pour lequel ils étaient faits ; le service de la pharmacie était toujours en retard à cause des difficultés de déchargement " (Dublanchy, p. 140-141).

De plus les moyens d'abri (tentes marquises) faisaient défaut pour une installation en plein air.

Lors de la bataille nos troupes bousculées par les Prussiens se débandèrent et battirent en retraite. L'élément avancé de l'hôpital ambulant fut abandonné sur place, excepté un attelage de chevaux et l'un des quatre caissons.

Ce fut ensuite une retraite éperdue, tant de jour que de nuit pour se mettre en sûreté à Nordhausen :

- le 6 novembre 1757, l'hôpital ambulant quitte Bamerstroda pour gagner Laucha dont le pont est aux trois quarts brûlé : perte de deux chevaux et de deux chariots d'ordonnance qui n'avaient pu suivre cette marche forcée, l'un chargé de farines, l'autre d'eau de vie et de vin ;

- dans la nuit du 6 au 7 novembre 1757, deux caissons chargés de farine, vin et eau de vie sont renversés, en partie brisés. Leur contenu est pillé par les troupes en retraite ;

- dans la nuit du 7 au 8 novembre 1757, un caisson est perdu près de Kannewurf. Les attelages disparaissent à la faveur de la nuit ;

- dans la nuit du 8 au 9 novembre 1757, un autre caisson est perdu avec deux chevaux ;

- le 10 novembre 1757, un cheval est perdu ainsi qu'un chariot chargé de la valeur d'un boeuf et six moutons qui est renversé dans la boue et foulé par le passage des équipages en fuite.

D'une manière générale les soldats éclopés, dans la déroute, jetaient les fournitures des entrepreneurs pour trouver de la place sur les voitures d'ordonnance. Les caissons, arrivés à Nordhausen, durent être protégés en permanence par les employés de l'entreprise pour ne pas être pillés.

Le 10 novembre 1757 l'entrepreneur rendait compte de la perte définitive de quatre caissons et de dix neuf chevaux. Le montant de ses pertes, hors les fournitures appartenant au roi, se montait à 5 075 liv.. Ces caissons seront remplacés, en décembre 1757, au moyen de quatre grands chariots du pays achetés à Laucha et couverts de toile cirée pour servir au transport des officiers blessés.

La bataille perdue de Rossbach avait coûté aux Français : 800 morts, près de 6 000 prisonniers " surtout parmi les blessés ", 72 canons, 27 drapeaux.

Les blessés français laissés sur le champ de bataille furent évacués par les Prussiens sur Leipzig et Mersebourg avant d'être évacués, pour les moins atteints, sur Magdebourg et Berlin. Après entente entre les commandants en chef des armées belligérantes un détachement de l'hôpital ambulant fut envoyé à Leipzig et Mersebourg pour donner ses soins aux prisonniers français. Ce détachement était placé sous la direction du commissaire des guerres Salart de Lormois qui décédera " à la peine ". Il se composait d'un sous-directeur (Revoil), d'un contrôleur, d'un commis aux écritures, d'un commis aux entrées, d'un garde-magasin Dupré dont la femme servait de cuisinière aux officiers français blessés, d'un dépensier, de deux boulangers. Les infirmiers et les servants furent fournis par les Prussiens. Le détachement médico-chirurgical était dirigé par Boucher et comprenait deux chirurgiens aide-majors et huit garçons chirurgiens. Au commencement d'avril 1758 on ne comptait plus que 301 soldats dont 106 malades ou blessés non guéris dans les hôpitaux prussiens. 

3) De la bataille de Rossbach à la prise des quartiers d'hiver (Novembre-décembre 1757).

Arrivé avec les troupes en déroute à Nordhausen où se trouvait un hôpital sédentaire, l'hôpital ambulant dut se substituer à la compagnie des hôpitaux, complètement absente, pour assurer le service sanitaire quotidien (14 novembre au 7 décembre 1757).

Une autre partie de l'hôpital ambulant s'installait à Dudderstadt où elle participait à la mise sur pied d'un autre hôpital sédentaire.

L'ensemble se reconstitua le 8 décembre à Eisenach après l'abandon des hôpitaux sédentaires de Nordhausen et Dudderstadt (évacuations du 1er au 8 décembre 1757). Les Français y laissèrent leurs intransportables  :

- A Nordhausen il restait 400 malades et blessés avec un détachement de l'hôpital ambulant sous la direction des commissaires des guerres Praslin et Droz de Louviers ;

- A Dudderstadt, 130 blessés et 240 malades avec un autre élément.

Au 31 décembre 1757 l'armée de Soubise prenait ses quartiers d'hiver dans le comté de Hanau, le pays de Fulda et en Hesse où il ne restait que les équipages de l'armée et les éclopés. Gayot intendant d'armée fut remplacé par Foullon, tandis que le commissaire des guerres de Thiville qui avait déployé toutes ses ressources personnelles dans cette triste campagne était nommé inspecteur général des hôpitaux de la Hesse et du comté de Hanau (février 1758) et préparait d'arrache-pied la campagne prochaine.

 

Sources :

Bibliothèque nationale de France, Richelieu, Paris, nouv. acq. françaises, ms. 550, 561ff.

Bibliothèque nationale de France, Arsenal, Paris, ms. 6690 (1742-1767)

Service historique de l'armée de terre, Vincennes, Ya 128, armée de Soubise.

BAGIEU, Examen de plusieurs parties de la chirurgie, 2t., Paris, imp. Delaguette, 1756. [I, p. 142-150, sur l'hôpital ambulant] 

CHENNEVIERES (de), Détails militaires, Paris, imp. Jombert, 1768, t. 5 [supplément aux 4 vol. imprimés en 1750], p. 173-198.

CILLEULS (J. des), Les hôpitaux ambulants aux armées de l'ancien régime, dans le bulletin de la société de médecine militair française, réunion du 16 avril 1953, p. 82-88.

CILLEULS (J des), Le corps de santé militaire sous la monarchie, depuis les origines jusqu'à la Révolution française, Paris, ed. S.P.E.I., 1961. 

COLLARD (E.), Un caisson de pharmacie en 1758, dans la Revue d'Histoire de la Pharmacie, n° 130-Juin, septembre 1951, p. 237-239.

DUBLANCHY (lieutenant), Une intendance d'armée au XVIIIè siècle. Etude sur les services administratifs à l'armée de Soubise pendant la guerre de Sept ans, d'après la correspondance et les papiers inédits de l'intendant François Marie Gayot, Paris, ch. Lavauzelle, 1905, 220p.

PAJOL (général, comte), Les Guerres sous Louis XV. t. IV, (1749-1759), Guerre de Sept ans, Paris, lib. Firmin-Didot, 1885.

SUBY, Des hôpitaux militaires, Metz, imp. Collignon, 1789, 149 p.

RAVATON, Chirurgie d'armée ou Traité des plaies d'armes à feu, et d'armes blanches, Paris, Didot le Jeune, 1768 [p. 635-666 sur l'hôpital ambulant].

   

 

 

F. Olier