par Simon Lamoral Le Pipre de Neuville
(sixième partie 1678-1687)

mise en page J-L Vial

En 1678, ils eurent ordre sur la fin de Février d'en sortir (de la place de Charleroy) pour se rendre sur les frontières de Flandres, et se trouvèrent au commencement de mars dans l'Armée que le Roi commanda en Personne; cette campagne ne leur fut pas moins glorieuse que la précédente, ayant eut à combattre un Corps d'Officiers réformés, qui leur fut opposé; c'est dans cette occasion qu'ils firent voir que leur intrépidité était sans égale, je veut dire à l'attaque du chemin couvert d'Ipres, en voici le détail.

Le 4 mars, les deux Compagnies ayant aidé à investir Gand, elle fut prise en 4 jours de tranchée ouverte, ce qui les priva d'y faire connaître leur valeur: mais elles se dédommagèrent bien devant Ipres, qui fut assiégé immédiatement après; dans la disposition des quartiers, les deux Compagnies furent postées avec d'autres régiments dans la seconde ligne pour couvrir le Quartier du Roi, qui était commandé par le Maréchal de Schomberg, elles montèrent la garde à leur tour à la queue de la tranchée pour soutenir l'infanterie; le 24 le Roi ayant résolu l'attaque du chemin couvert, elles furent commandée extraordinairement pour attaquer la citadelle à la droite, pendant que les Grenadiers à cheval le firent à la gauche; Mr. de la Barre Maréchal des logis commandait le premier Détachement de la première Compagnie, et Mr. de Tayac autre Maréchal des Logis de la deuxième Compagnie, avec Mrs. de Sartous Brigadier, de Launay et le Chevalier de Colombe Sous-Brigadiers, avaient sous leurs ordres le premier détachement de la deuxième Compagnie.


Prise d'Ypres - 19 mars 1678
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Le Pince d'Elbeuf et le Chevalier de Soissons, malgré la défense du Maréchal de Luxembourg, se glissèrent parmi les Mousquetaires en qualité de Volontaires, et allèrent se mettre à la tête des 15 premiers nommés enfants perdus; après cette disposition, ils attendirent avec impatience le signal qui fut, non pas des coups de canon selon l'ordinaire, mais par des bombes; dès que la septième décharge fut faite (moment marqué pour charger) les Mousquetaires à la droite et les Grenadiers à cheval à la gauche, volèrent avec une ardeur et un courage incroyable au chemin-couvert de la Citadelle, où Mr. de Conflans Gouverneur de la Place avait mis tous les Officiers réformés qui se trouvaient dans la Ville; et qui défendirent ce poste en hommes de cœur et en gens déterminés; depuis longtemps il ne s'était vu un su grand feu qu'on fit dans cette action; on eut même dit à voir la contenance des Assiégeants et des Assiégés, que c'était plutôt une réjouissance qu'un combat vif, leurs déchargent paraissant une véritable salve; comme les Mousquetaires n'étaient pas accoutumés à reculer, ni à trouver rien qui fut capable de leur résister, peu étonnés de tant de résistance, ils continuèrent leur marche avec leur fierté ordinaire, et donnèrent avec tant d'intrépidité et de furie, qu'ils s'emparèrent non seulement des dedans, mais encore montèrent à l'assaut de la Contrescarpe, où, après avoir passer au fil de l'épée tout ce qui s'opposait à eux, ils s'emparèrent du dit chemin-couvert, et s'y logèrent: mais il n'allait pas de même à gauche, où les Grenadiers à cheval trouvèrent une telle résistance, qu'ils furent arrêtés et repoussés; alors on commanda un détachement de 50 Mousquetaires blancs, ils volent à l'instant au secours des Grenadiers, se mettent à leur tête, sans dire autre chose que, gare, comme s'il n'eut été question que de passer quelque chemin, et se rendant sur le bord de la Contrescarpe, sans examiner le danger, se jettent dedans l'épée à la main, et forcent les ennemis à l'abandonner; de sorte que cette même nuit, le logement s'y étant fait comme à la droite, les Ennemis capitulèrent le lendemain; on doit croire que cette action ne se fit point sans perte pour les Mousquetaires.

Voici la liste des tués et blessés.

Mr. de Tayac Maréchal des Logis de la deuxième Compagnie fut tué.
Mr. de Vincheguerre Brigadier reçut une contusion à la tête.
Mr. de Launay, Colombe et Rollet Sous Brigadiers furent blessés, le dernier d'un coup de mousquet à la tête.
Mr. de la Barre Maréchal des Logis eut une contusion au bras, et reçut un coup de mousquet.
Mr. de Viben Mousquetaire fut tué à la barrière en se signalant.
Mr. de St. Didier autre Mousquetaire eut un coup de mousquet et de grenade, dont il mourût deux heures après dans le camp où il avait été emporté.

Mousquetaires blessés Messieurs

De Plane
De la Mamille
De Blegier
De Villepreux
De Bussi
De Busserole
D'Oreau
De Crevecoeur.

Mr. le Chevalier de Vaubreüil se distingua en entrant dans la barrière d'où il chassa les Ennemis.

Le Roi donna à Mr. de Sartous Brigadier, la charge de Maréchal des Logis vacante par la mort de Mr. de Tayac, en considération de ses belles actions.

Cette Place s'étant rendue le lendemain de cette action, il y eut une suspension d'armes: ce qui engage le Roi de retourner à Versailles escorté des deux Compagnies, qui par la paix de Nimègue ratifiée peu après, restèrent quelques années tranquilles dans leurs quartiers.

En 1680, elles accompagnèrent Sa Majesté, lorsqu'elle alla visiter les Places maritimes et quelques autres de la Flandre; en 1681 ils escortèrent derechef le Roi en Alsace, où il visita toutes les Villes, entr'autres Strasbourg dont il venait de se rendre maître.

En 1683 Sa Majesté étant partie de Versailles le 26 mai pour faire la visite de plusieurs Camps qu'elle avait commandée de former, les deux Compagnies furent avec elles jusqu'en Franche Comté, où à leur arrivée, elles eurent ordre de se rendre au Camp que le Duc de Noailles commandait proche de Besançon, et dont le Roi fit la revue le 18 juin, elles le suivirent ensuite pendant le reste de son voyage jusqu'à son retour à Versailles, qui fut le 20 juillet, d'où elles partirent pour se rendre dans l'Armée du Maréchal d'Humières, qui assiégea Courtray, ayant attaqué la Contrescarpe de cette Ville, lesdits Mousquetaires y donnèrent avec tant de vivacité l'épée à la main qu'ils l'emportèrent.

En 1684, Sa Majesté passa en Flandre où elle se mit à la tête d'une Armée de 40. mille hommes assemblés dans cette province, les deux Compagnies y escortèrent le Roi, et servirent dans cette Armée, qui n'avait été formée que pour couvrir le Siège de Luxembourg et observer celle des Espagnols et Hollandais; après que le Maréchal de Créqui se fut rendu maître de cette Place; la Paix se fit encore avec l'Espagne, et les deux Compagnies retournèrent dans leurs quartiers jusqu'en 1688.

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 Jean-Louis Vial