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par Simon Lamoral Le Pipre de
Neuville
(neuvième partie
1701-1712)
mise en page J-L
Vial
En 1701,
Philippe V connu sous le nom de Duc d'Anjou, après
être monté sur le trône d'Espagne, se vit
sur les bras tous les Princes de l'Europe, ce qui obligea
Louis XIV d'avoir des armées de tous
côtés; les deux Compagnies se rendirent en
Allemagne dans l'armée du Maréchal de
Villeroy, mais il n'y eut aucun acte d'hostilité de
part et d'autre.
En 1702, elles passèrent au pays
de Clèves dans l'armée de Monseigneur le Duc
de Bourgogne, et furent de la Brigade de la Maison du Roi,
qui eut part à l'affaire de Nimègue; six
Mousquetaires se trouvèrent aussi à l'action
de Mr. Philippe Exempt des Gardes du Corps, dont j'ai
parlé dans leur Journal Historique.
En 1703, elles se rendirent dans
l'armée de Flandre commandées par les
Maréchaux de Villeroy et de Boufflers, étant
à leur ordinaire de la Brigade de la Maison de Sa
Majesté.
Le 14 juin quelques Mousquetaires
commandés pour être du détachement de Mr
de Coigny fils du Lieutenant Général, furent
sous ses ordres au nombre de 300 chevaux, se mettre en
embuscade à la tombe de Vaux, où il se passa
une action très vive, les Ennemis tombant dans cette
embuscade, plièrent et furent repoussés
jusqu'à leur Grande Garde; Mr. de La Motte
Mousquetaire y fut blessé; lorsque le Maréchal
de Boufflers marcha aux Ennemis à la tête d'un
détachement de l'Armée, il demanda au
Maréchal de Villeroy les deux détachements de
Mousquetaires, les croyant nécessaires pour forcer
les Ennemis dans le village d'Eckeren où la bataille
fut livrée, mais Mr. de Villeroy les refusa
alléguant que la Noblesse du Royaume et la
pépinière des Officiers n'était pas
faite pour être exposée dans des affaires
particulières, qu'on ne devait leur faire courir de
pareil risque que pour des affaires très importantes
et par ordre ou en présence du Roi.
En 1704, les deux Compagnies
continuèrent de servir dans l'Armée de Flandre
sous le Maréchal de Villeroy.
En 1705, elles furent avec toute la
Maison de Sa Majesté commencer la campagne sur la
Moselle sous les ordres du Maréchal de Villars,
marchèrent ensuite en Flandre après la
retraite du Duc de Malborough; j'ai parlé
particulièrement de toutes ces campagnes au Journal
Historique des Gardes du Corps.
En 1706, elles servirent dans
l'armée de Flandre commandée par S.A.S.E. de
Bavière et le Maréchal de Villeroy, formant
brigade à leur ordinaire avec toute la Maison de Sa
Majesté, qui occupa toute la droite de la Bataille de
Ramillie livrée le 23 mai, jour de la
Pentecôte; quoique cette bataille fut très
malheureuse pour la France, elle fut cependant très
glorieuse pour les Mousquetaires, qui firent connaître
dans ce jour que la valeur n'attend pas le nombre des
années, car leur jeunesse paraissait n'être pas
capable de soutenir un long combat, cependant elle se trouva
infatigable et capable de faire éclater une valeur
consommée, comme si elle eut déjà
plusieurs combats, quoique ce fut le coup d'essai de la
plupart d'entre eux, donnant avec un courage
héroïque à l'exemple des Gendarmes et des
Chevaux Légers de la Garde qui étaient
à sa gauche, sur tout ce qui se trouva devant elle,
rompit et culbuta les Ennemis, et ne s'arrêtant que
lorsqu'ils s'aperçurent que toute la cavalerie de la
droite était renversée et qu'ils
n'étaient pas soutenus, alors se disposant à
faire leur retraite, ils se virent tout à coup
enveloppés de plusieurs escadrons, mais sans
s'émouvoir prenant la généreuse
résolution de se faire jour à la pointe de
leurs épées, ils l'exécutèrent
avec tant d'intrépidité, que rejoignant la
droite de la Cavalerie, ils se retirèrent avec elle
jusque par delà les défiés de Jodoigne;
on doit croire que ce ne fut pas une perte
considérable, la Compagnie des Mousquetaires blancs,
appelés aujourd'hui Mousquetaire gris, eut de
blessés le Marquis de Janson Sous-Lieutenant, qui
commandait la Compagnie, le Marquis de la Luzerne Enseigne
et d'Arifax Cornette, le furent dangereusement de deux coups
de fer et d'un coup de feu, avec 43 Mousquetaires et 13 de
tués; l'autre Compagnie des noirs eut de
blessés le Comte de Canillac Sous-Lieutenant qui la
commandait, après avoir reçut plusieurs coups,
il eut la mâchoire cassée, le Sieur de
Trébons Enseigne, le Sieur de Surrière
Cornette, le Sieur Doucet Maréchal des Logis, Le
Sieur Payre-Longue, St. Jean Bellet et Bermont Brigadiers,
un Sous Brigadier et 24 Mousquetaires. Les tués
furent les Sieurs Laurent Maréchal des Logis, de
Beau-Hoste et Bruan Brigadiers, de Mesnibus, Jodon, Pestel,
Becheselle Sous Brigadiers avec 16 Mousquetaires.
Le Duc de Tallard d'aujourd'hui, qui
avait quitté la profession d'ecclésiastique
à la mort de son frère aîné, se
trouvant parmi les Mousquetaires dans cette bataille, fut
pris l'épée à la main, après
s'être distingué et avoir été
blessé dangereusement.
Quoique cette déroute eut
obligé tous les Généraux de mettre
toute la Cavalerie dans les places jusqu'à
l'arrivée du Duc de Vendôme en Flandre,
cependant les deux Compagnies des Mousquetaires
campèrent toujours avec la Maison du Roi, et se
rendirent après l'arrivée de ce Prince
à Frelinghien près de Lille sur la Lis,
où s'assemblait l'armée, formant selon leur
coutume Brigade avec la Maison du Roi, de même que
pendant les années 1707 et 1708, ils se
trouvèrent cette dernière année au
Combat d'Oudenarde, où il n'y eut de leurs Corps, que
deux prisonniers. Pendant le siège de Lille, ils
furent du camp de Saulsoy, et campèrent au Quartier
du Duc de Bourgogne, ou ils restèrent jusqu'à
ce temps ou les Ennemis passèrent l'Escaut, qui fut
au mois de décembre.
En 1709, les deux Compagnies se
rendirent en Flandre dans l'armée,
commandée par le Maréchal de Villars,
se trouvèrent le 11 septembre à la
bataille de Malplaquet, où après
avoir essuyé, avec leur
intrépidité ordinaire, pendant cinq
heures, le feu de 30 pièces de canon, voyant
les Ennemis qui avaient percé par la gauche
et par le centre, elles avancèrent par ordre
du Maréchal de Boufflers, avec 3 autres
escadrons dans la trouée d'Aunois, pour
tenir en respect la cavalerie Ennemie, et
l'empêcher de troubler la retraite de
l'Infanterie de la droite, plusieurs escadrons des
Ennemis s'étant présentés,
elles s'avancèrent à eux peu
accoutumées de reculer, et après
avoir fait plusieurs charges qui leur firent
honneur, se rallièrent avec une promptitude
étonnante, pour aller de nouveau aux
Ennemis, sans qu'ils osassent faire le moindre
mouvement pour revenir les charger, de sorte
qu'elles restèrent en leur présence,
jusqu'à ce qu'un Général vint
leur ordonner de se retirer, ce qu'elles firent
avec un grand sang froid et beaucoup de
tranquillité.
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Mr. d'Aigrebers Enseigne des
Mousquetaires gris, Brigadier d'armée,
âgé de 70 ans, qui commandait la Compagnie eut
les deux jambes emportées d'un boulet de canon, et
Mr. d'Arifax-Bessiere Cornette de la même Compagnie, y
fut aussi blessé.
En 1710 et 1711 elles furent à
leur ordinaire de la Brigade de la Maison du Roi dans
l'armée de Flandre, commandée par le
Maréchal de Villars, cet illustre Corps dans cette
dernière année, crut avoir trouvé moyen
de se venger sur les Ennemis des Batailles de Ramillies et
de Malplaquet, lorsque le Duc de Malborough passa l'Escaut
avec son armée; comptant au moins d'assister à
tailler en pièce leur arrière-garde, parce
qu'il se trouvaient à leur vue et à
portée de la charger; déjà les deux
Compagnies marchaient droit aux Ennemis, avec cette noble
fierté qui leur est naturelle, quand un ordre du
Maréchal les obligea de faire halte, ce qui fit
évanouir toutes leurs belles espérances dans
un instant: j'ai dit le sujet de cet ordre au Journal des
Gardes du Corps.
En 1712, elles se rendirent comme les
années précédentes en Flandre à
l'armée du Maréchal de Villars; et furent avec
la Maison du Roi de la marche de cette armée aux
retranchements de Denain; mais cette brigade étant de
la droite de l'armée, fut privée de la gloire
de combattre, n'ayant eu que la gauche qui agit en cette
occasion, cependant elle assista à se rendre
maître de Douai et du Quenoy, les Mousquetaires ne
furent point employés aux attaques comme elles le
firent devant Landau et Fribourg en 1713 où ils
continuèrent toujours d'être de la Brigade de
la Maison du Roi dans l'armée du Maréchal de
Villars; ils avaient cependant été
destinés par ce Général pour être
de l'assaut général, qu'on devait donner au
corps de la place de Fribourg; mais les
Assiégés étant venus à
composition avant qu'on commençât cet assaut,
privèrent cet illustre Corps de la gloire et de
l'honneur qu'il y aurait acquis, de sorte qu'ils ne put
continuer à donner des marques de sa grande valeur,
comme il fit à Maastricht, Besançon,
Condé, Valenciennes, Ypres, Mons et au château
de Namur. La reddition de cette place ramena la paix
générale, et termina les exploits des deux
Compagnies sous le règne de Louis XIV.

Prise de Denain, le 24 juillet 1712
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... (FIN)
Jean-Louis
Vial
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