Les Trompettes & Timbaliers de la Cavalerie
sous l'Ancien Régime

par René Forthoffer

L'iconographie Militaire du Consulat et de l'Empire montre quelle importance les Chefs de Corps de toutes armes attachaient à la tenue de leurs têtes de colonne fanfares, musiques ou "bandes " de fifres et de tambours. C'était une vieille tradition de l'Armée Française et, sous l'impulsion de Napoléon, les colonels ne faisaient que continuer ce qu'avaient fait avant eux les Mestres-de-Camp des Armées du Roi.

Sous l'ancienne monarchie, la cavalerie française n'avait pas de musique mais simplement des fanfares et des bandes.

Quels étaient les instruments en usage à cette époque dans la cavalerie ?

Tous les régiments avaient des timbales, sauf peut être les Chasseurs à Cheval, derniers nés de l'arme et dont la création est postérieure au décret du Ministre ordonnant la suppression des timbaliers. Notons d'ailleurs que la plupart des chefs de corps n'exécutèrent pas cet ordre, préférant payer la solde et l'entretien de leur timbalier de leurs propres deniers. Il y avait ordinairement un timbalier par régiment, parfois deux, jamais plus.

La cavalerie proprement dite avait des trompettes, au nombre de deux par compagnie de cent maîtres. Il en était de même aux hussards et aux casseurs à cheval.

Les dragons eurent d'abord des tambours et des hautbois, particularité qu'ils partageaient avec les Mousquetaires de la Maison du Roi. Cela tenait sans doute au fait qu'à l'origine les dragons, comme les Mousquetaires étaient des fantassins montés.

Sous le règne de Louis XVI, les hautbois furent remplacés par des trompettes, mais les dragons conservèrent leurs tambours; il devait en être ainsi jusqu'à la fin de l'empire. La trompette du 18ème siècle était plus longue que celle actuellement en usage. Son diapason n'était pas exactement le même, ce qui rend difficile l'exécution par nos trompettes des sonneries anciennes. On l'appelait "trompette à boule" en raison d'un renflement sphérique situé sur le tronçon entre le pavillon et le premier coude.

Les timbales étaient semblables à celles utilisées dans les orchestres, elles étaient fixées à la selle, de part et d'autre du pommeau et rendaient chacune un son légèrement différent, l'un grave , l'autre plus clair. On les frappait à l'aide de "mailloches" baguettes dont les extrémités étaient recouvertes de peau.

Le tambour du 18ème siècle était de forme plus élevé qu'aujourd'hui. La caisse était en bois, peinte de couleurs vives, aux armes du souverain ou à celles du mestre de camp, se détachant sur un faisceau d'étendards, de guidons, de piques et d'affûts de canon. On le suspendait au cou par un petit collier descendant en pointe sur la poitrine, les baguettes étaient semblables à celles que nous connaissons.

Les uniformes du timbalier, des trompettes et des tambours étaient toujours fort brillants, parfois somptueux et différents de ceux des autres cavaliers du régiment.

Les ordonnances et règlements de Sa Majesté interdisaient en ce domaine un luxe excessif et coûteux, mais il semble bien que les chefs de corps se souciaient assez peu de les observer.


Evolution de la coupe des tenue des musiciens de la cavalerie au cours du 18ème sicle

Trompettes, tambours et timbaliers étaient vêtus "à la livrée du mestre de camp", c'est à dire que leurs vêtements, justaucorps, casaque ou habit, avaient la couleur et les galons de la Maisons du colonel propriétaire de la charge du régiment.

C'était un usage ancien pour l'habillement des équipages de vénerie et des gens de Maison. Il fut appliqué à celui des têtes de colonnes, du fait qu'à l'origine, ces effets étaient à la charge du mestre de camp.

 

Pendant la première moitié du 18ème siècle, les cavaliers portaient le justaucorps se boutonnant droit au moyen d'une seule rangée de boutons; le ceinturon se mettait par dessus, comme sur la tenue de chasse. Le justaucorps des trompettes, tambours et timbaliers était bleu, avec parement et doublures rouges pour les régiments royaux, le bleu et le rouge étant les livrées de Sa Majesté. Dans les régiments de la Reine, ces couleurs étaient inversées. Dans ceux des princes, ducs et autres gentilshommes, les teintes étaient plus variées.

Villeroy: justaucorps vert foncé, parements et doublure jaune orange.

Turenne: fond blanc-gris, parements et doublure de panne noire.

Bauffremont: fond ventre de biche, parement et doublure bleu de roi.

Condé: fond chamois, parements écarlates.

 

Le justaucorps était galonné "sur toutes les coutures", sur les devants , au bas de la jupe, aux parements et bordait les poches. Il état parfois garni de fausses manches simulées par une simple bande de drap large d'une paume et fixée à la couture de l'épaule, l'autre extrémité étant cousue au dessus du bouton de la taille.

Les galons étaient tissés en laine ou en velours, soit d'une couleur unie comme celui de Condé (cramoisi), soit avec des dessins multicolores.

Celui du Roi était cramoisi avec des entrelacs blancs dessinant les anneaux d'une chaîne: celui de la Reine était semblable, mais à fond bleu. D'autres étaient à carreaux, à lézardes, mouchetés .. .

Le reste de l'habillement était semblable à celui des cavaliers ou des dragons: chapeau galonné d'or ou d'argent selon la couleur du bouton, col piqué de blanc, cheveux noués en queue maintenus par un ruban noir, veste de buffle ocre, culotte de même, bottes fortes pour les cavaliers, bottines de cuir souple pour les dragons.

Le timbalier était souvent un nègre ou un mulâtre. Dans ce cas, sa coiffure était un turban "a la mauresque" orné de perles et couronné de plumes et d'aigrettes aux vives couleurs. Bien que cela fut interdit par les règlements, sont justaucorps était souvent orné de galon d'or ou d'argent alternant avec celui de la livrée. Dans certains régiments cette luxueuse fantaisie s'étendait à tous les trompettes, dont le chapeau était bordé, en plus du galon, de courtes plumes blanches, comme celui des officiers.

Vers 1750, le justaucorps fut remplacé par une casaque plus ajustée, moins juponnante et agrafée sur le devant. Elle était également galonnée et garnie de fausses manches, le ceinturon se bouclant par dessus.

En 1762, l'habit à revers est adopté par la cavalerie et, peu après, les dragons suivent à leur tour cette mode. Ce vêtement restera, avec de légères modifications, celui de nos cavaliers, hussards exceptés, jusqu'à la fin de la monarchie et pendant une partie de l'Empire. Les timbaliers eurent un habit de même coupe que celui de la troupe, mais de couleurs variées. Les régiments royaux avaient l'habit bleu; chaque régiment avait une couleur distinctive intéressant la doublure des basques, le revers et les parements, ou l'un seulement de ces deux derniers. Le galon de livrée garnissait les manches, les devants, les revers, les parements, les poches et les emmanchures. Les trompettes de tous les régiments de chasseurs à cheval reçurent la livrée royale. Ceux de la cavalerie et des dragons de la Reine, des princes et des ducs conservèrent leurs couleurs et leurs galons particuliers.

Les hussards, on le sait, portaient une tenue spéciale, à la hongroise. Elle se prêtait mal au port de la livrée du mestre de camp, étant déjà couverte de tresses, ganses et agréments multiples. Aussi prit-on l'habitude de doter les trompettes de hussards d'une tenue totalement différente de la troupe. C'était un habit de chasse à basques très courtes, très ajusté, à collet rabattu et petits parements, souvent garnis de fausses manches. Le galon de livrée dessinait sur les devants des boutonnières en forme de brandebourgs et garnissait le collet, les manches et les poches. Avec cet habit, les trompettes de hussards avaient le chapeau de feutre, la veste, la culotte et les bottes de la cavalerie. Du moins telle était la règle ... mais on la suivait peu et, dans plusieurs régiments, les trompettes portaient le gilet tressé, le pantalon hongrois et les bottes à la hussarde.

Les trompettes de Bercheny avaient l'habit rouge à collet, parements et doublures verts, la veste bleu céleste, la culotte chamois et les bottes de cavalerie.

Chamborant Hussards portaient un habit jaune, avec collet, parements et retroussis blancs, veste blanche, pantalon ocre clair, bottes hongroises.

Timbaliers, tambours et trompettes avaient le visage entièrement rasé, même dans les régiments de cavalerie et de hussards où les cavaliers portaient tous la moustache.

La fanfare était remontée en chevaux gris, exception faite pour certains régiments, Royal Allemand entre autres, dans lesquels les trompettes montaient des chevaux alezan. Le timbalier avait le plus souvent un étalon de robe blanche, noire ou pie.

 

La caisse des tambours nous l'avons vu était peinte et cette décoration rendait superflu l'emploi de tabliers ou autres garnitures. Par contre, timbales et trompettes étaient décorées pour la parade d'ornements brillants. Les timbales étaient recouverte de tabliers richement brodé et frangé, avec à la partie supérieure un cordon garni de glands.

A la trompette était fixé une flamme également brodée et frangée, avec un cordon et deux glands aux extrémités.

Tabliers de timbales et flammes de trompettes étaient de soie de la couleur attribuée aux étendards du régiment, richement brodés et frangés d'or et d'argent. Les cordons et passementerie étaient d'argent ou d'or mêlé de oie des couleurs affecté au régiment.

 

Les timbales et leurs tabliers étaient l'objet d'un respect et d'égards comparables à ceux réservés aux étendards. Le timbalier, écrivait un auteur contemporain, doit être courageux, attendu qu'il un honneur de tous les temps attaché à l'enlèvement des timbales de l'ennemi et que, par conséquent il est triste et honteux de lui fournir des trophées.

 

 

 

 

 

.. A suivre

René Forthoffer