MARÉCHAUSSÉE ET JUSTICE MILITAIRE

Durant la Guerre de Sept Ans

par J-L Vial

 

L'armée française de la Guerre de Sept Ans est, en particulier à l'entrée e la guerre, mal entretenue, mal nourrie et mal encadrée et ce malgré les efforts de certains officiers.

Une grande partie de la désertion importante et du brigandage est lié à des problèmes d'intendance, d'insuffisance matérielle Tous les officiers s'en plaignent mais malheureusement elle ne s'améliorera que tardivement au fil des campagnes.

Les régiments étrangers comme les Suisses ont des privilèges particuliers concernant les approvisionnements ... et ils obtiennent qu'ils soient respectés, c'est un des éléments qui leur permet de conserver une meilleure discipline.

La Connétablie et Maréchaussée de France fut pendant tout l'Ancien Régime, une juridiction importante en matière militaire ; son nom venait de ce que le connétable l'exerçait avec les maréchaux de France, dont il était le chef. Depuis la suppression de cet officier (1627), la juridiction demeura entre les mains des maréchaux dont le plus ancien représentait, à cet égard, le connétable disparu. C'était à cette juridiction, à la fois civile et criminelle, que les maréchaux de France renvoyaient toutes les affaires demandant une instruction judiciaire.

La justice militaire à l'armée est exercée sous l'autorité du Grand Prévôt de la Connétablie, Gendarmerie et des Camps et Armées du Roi. Il a le grade de Premier Colonel de la Cavalerie Légère et est également Inspecteur Général de toutes les les Maréchaussées du Royaume

La Connétablie est une institution militaire qui exerce à la fois un pouvoir de justice, par les tribunaux des Maréchaux et de la Connétablie et un pouvoir de police par la compagnie de la Connétablie qui lui est subordonnée.

A noter que outre la justice militaire le Grand Prévôt de la Connétablie est également chargée du contrôle de la justice Pévôtale rendue par les Prévôts Généraux, les Vis-Baillis, Vis-Sénéchaux et Lieutenants de Robe-Courte dans toutes les provinces de France.

LES INSTITUTIONS DE JUSTICE

C'est avant tout le tribunal de la Connétablie qui est l'instrument de la justice militaire de l'Ancien Régime. Le conseil de guerre ne juge que les militaires, il rend un avis et c'est le prévôt de l'armée qui au nom du tribunal de la connétablie rend le jugement définitif.

A l'égard des délits, malversations ... commisent à l'armée par les administrateurs et les employés à la suite de l'armée, les trésoriers, fournisseurs, munitionnaires et leurs commis, ainsi que par les marchands et vivandiers qui suivent l'armée à l'exception de ceux attachés aux régiments, c'est le tribunal de la connétablie ambulant aux armées qui en assure l'instruction et le jugement. A fil du temps, pour l'instruction des procès, le tribunal va s'adjoindre des commissaires des guerres, qui finirent par obtenir le droit de sièger à la table de marbre. Notons encore que certains régiments bénéficient d'un privilège tout particulier leur permettant d'administrer leur propre justice militaire; ont dit alors de ces régiments qu'ils ont la prévôté, il s'agit essentiellement de régiments d'infanterie en surtout des régiments étrangers.

Tribunal de la Connétablie et Tribunal du Point d'Honneur

Le tribunal de la Connétablie est encore appelé tribunal de la Table de Marbre, parce qu'à l'origine elle siègeait sur une table de marbre placée dans la grande salle du Palais de Justice à Paris, mais elle fut détruite par un incendie en 1618. Trois juridictions s'en partageait le siège : la Connétablie, l'Amirauté et les Eaux et Forêts.

Le tribunal de la Connétablie juge de tous les faits de guerre; rançons, butins, prisonniers de guerre, espions, déserteurs, destitution et cassation des gens de guerres, crimes et actions personnelles des militaires, mais également des différents concernant les soldes, appointements, montres, revues, de même qu'il a à en connaitre des actions personnelles des domestiques des maréchaux, des maitres armuriers, fourbisseurs, arquebusiers, tailleurs et artisans fournissant l'armée. Il juge également tous les administrateurs et employés à a suite de l'armée, les trésoriers, fournisseurs munitionnaires et leurs commis.

Le tribunal est composé d'un lieutenant général, qui préside en l'absence de maréchaux, et rend la justice en leur nom.

Quand il était ambulant aux armées, il est présidé par le général. Il y a encore un lieutenant particulier et un procureur du roi avec des greffiers, des huissiers et des archers. Pour l'instruction du procès il y est admis des commissaires guerres.

La connétablie ne jugeait pas en dernier ressort ; l'appel de ses sentences était porté au Parlement.

Le Tribunal du Point d'Honneur encore appelé Tribunal des Maréchaux est créé en 1566, il tombe progessivement en désuétude avant d'être restauré en 1651 par Louis XIV pour mettre fin aux duels qui décime la noblesse. Ce tribunal est chargé d'instruire les affaires qui surviennent entre les gentilshommes ou autre faisant profession des armes tant à cause des droits honorifiques, préséances des fiefs et seigneuries, chasses, que des autres querelles mêlées avec le point d'honneur. Afin d'étendre leur action dans tout le royaume, il fut créés dans les généralités du royaume des offices de lieutenants des maréchaux.

Le Conseil de Guerre

A l'armée le prévôt de la Connétablie et autre prévôt suivant les armées jugent les criminels, après avoir pris l'avis des officiers assemblés en Conseil de Guerre.

Le conseil de guerre s'assemblent après que le major général de l'armée en ait demandé la permission au général de l'armée.

Il doit être composé de 7 juges au moins, dans le cas ou il peut s'agir de mort, et celà conformément à l'Ordonnance Criminelle du mois d'août 1670.

Si c'est un fantassin que l'on doit juger, les juges doivent être pris entre tous les capitaines des régiments d'infanterie française qui sont dans la même brigade ou dans la même garnison, et non les étrangers lesquels ont leur justice particulière. S'il n'y avait pas asser de capitaines pour remplir le nombre compétent, on peu y adjoindre des officiers subalternes, et même des sergents. S'il s'agit d'un cavalier on tire les officiers des différents escadrons de la brigade ou de la garnison.

"Les juges doivent être à jeun et avoir entendu la messe, pour juger contradictoirement un accusé."

Pour les officiers généraux il se compose alors des maréchaux de France présidé par le doyen des maréchaux. C'est ce tribunal qui au cours de la Guerre de Sept Ans juge et condamne le comte de Maillebois après son attitude durant le combat d'Hastembeck en juillet 1757 et surtout la plublication d'un mémoire anonyme contre le Marechal d'Estrées.
Son père le maréchal de Maillebois viendra reconnaître devant le tribunal que son fils le comte de Maillebois en est bien l'auteur.

L'artillerie avait un prévôt particulier à la suite des équipage dont le jugement pouvait être révisé par le Grand Baillif de l'Arsenal de Paris.

L'INSTITUTION DE POLICE : LA COMPAGNIE DE LA CONNÉTABLIE

Le Grand Prévôt de la Connétablie et les Prévôts des Armées

Le prévôt de l'armée arrête tous ceux qui sont en infraction avec les ordonnances, il a la discipline de tous les non militaires excessivement nombreux qui suivent l'armée (vivandiers, valets...). C'est lui qui "met le taux aux denrées" c'est à dire en fixe le prix et c'est également lui qui perçoit les taxes sur les ventes de vin, bière...

A l'égard des vivandiers des régiments, c'est aux prévôts particuliers, et dans ceux ou il n'y a pas de prévôt entretenu, c'est aux majors et aides major de veiller à leur conduite et à mettre le taux aux denrées.

Note: à l'égard des vivandiers des régiments, c'est aux prévôts particuliers du régiment quand ils ont la prévôté, et dans ceux ou il n'y a pas de prévôt entretenu, c'est aux majors et aides major de veiller à leur conduite et à mettre le taux aux denrées.

La Compagnie de la Connétablie

La compagnie de la Connétablie est considérée comme la compagnie colonelle de la Maréchaussée.

L'Arrêt de Conseil d'État du Roi du 13 février 1756 qui rend héréditaires les offices de lieutenants, exempts, gardes et greffiers de la compagnie de la Connétablie en donne la composition à l'entrée de la Guerre de Sept Ans: le Prévôt Général, 3 lieutenants, 4 exempts, 48 gardes, 1 trompette, 1 assesseur, 1 procureur du Roi, 1 greffier, 1 commissaire, 1 contrôleur aux revues.

Puis l'Arrêt du Conseil d'État du Roi du 17 août 1761 qui créé deux brigadiers et sous-brigadiers, nous apporte quelques précisions supplémentaires: la compagnie comprend le Prévôt Général, 3 lieutenants, 4 exempts, 2 brigadiers, 2 sous-brigadiers, 44 gardes, 1 porte-étendart, 1 trompette, 1 assesseur, 1 procureur du Roi, 1 greffier, 1 commissaire des guerres qui à le droit de porter le grand uniforme ainsi que le portent les commissaires des guerres des différents corps de la Maison du Roi, 1 contrôleur aux revues.

Uniforme des Gardes de la Connétablie

Dans l'état militaire de 1730, Lémau donne une courte description de l'uniforme du Garde de la Connétablie : habit bleu, parement rouge, boutons et agréments d'argent, dans ceux de 1738, 1741 il n'est guère plus précis: habit bleu, parement rouge, boutons bordé et agréments d'argent sur le tout , on y apprend seulement qu'il y a un galon bordé. Les états militaires de 1757-58 et suivants ou encore le dictionnaire de La Chesnaye de 1759 reprennent la description de Lémau: habit bleu, parements rouges, boutons, bordé et agréments d'argent sur le tout.

La Chesnaye en 1751 écrit « Ils campent au quartier général à portée des lieus destinés pour les marchands et pour les marchés afin d'y maintenir l'ordre et la discipline.

Il a une compagnie de tel nombre d'archers à cheval qu'il plait à S.M. d'ordonner. Ils doivent être armés à la cavalière et porter des bottines pour pouvoir agir à pied et à cheval. » Donc nos gardes ou archers sont chaussés de bottines comme celles des dragons.

Lienhart et Humbert donnent une très complète description de la tenue des Gardes de la Connétablie, mais encore une fois sans citer la source ni la période à laquelle correspond cette description elle est donc difficile à vérifier: habit , collet rabattu et parements bleus. L'habit fermait par un rang de 9 boutons blancs, et étaient ornés par devant, et sur chaque côté, de 4 grands agréments blancs figurant des boutonnières. Le collet était bordé de même, le parement, également bordé portait en plus des boutons et agréments semblables. Poche bordée et agrémentée de même, de façon à figurer des boutonnières de 3 boutons fixés sur un galon placé au dessous de la poche. Bordé blanc le long des basques de l'habit. Doublure, veste et culotte rouge. La veste et ses poches était bordée de blanc. Chapeau bordé d'argent et de plumes blanches. Cocarde blanche. Bottes de cavalerie; manchettes de bottes blanches. Ceinturon de buffle blanc, sabre et pistolets. Housses et chaperons bleus bordés de blanc.

L'état militaire de 1774 indique : Habit bleu, doublure parements, collet, veste et culotte rouges, agréments, bordé, galon et boutons d'argent sur le tout, chapeau bordé d'argent.

Lors des cérémonies ou lorsque le tribunal siège, les gardes portent le hoqueton, sorte de chasuble enfilée par dessus l'uniforme. L'Etat de la France de 1746 et La Chesnaye en 1751 indiquent: les gardes portent le hoqueton d'orfèvrerie à fond bleu, pour devise la première lettre du nom du Roi, qui est une L couronnée, cotoyée de deux mains droites armées de gantelets fleur de lisés, sortant d'une nuée et tenant une épée la pointe en haut.

Etendard de la Connétablie

La compagnie de la Connétablie à un étendard décrit par Lémau de la Jaisse en 1730: étendard à fond bleu, brodé des armes du Roi, semé de fleurs de lis, et aux angles deux bâtons de maréchaux de France croisés.



Reconstitution de l'étendard de la Connétablie

En 1738 et 1741 Lémau de la Jaisse indique: l'étendard de cette compagnie (de la Connétablie) est de taffetas blanc qui représente en boderie d'or un bras gantelé, armé d'une épée nuée, courronnée de lauriers sortants d'une nuée, et ces mots pour devise " NON SINE NUMINE " (Rien sans la puissance divine) et frangé d'or. Elle est semblable à celle brodée sur les hoquetons des gardes.

 

L'état militaire de 1774 indique un nouvel étendart: le guidon est à fond bleu, frangé d'argent, et dans le milieu le Bâton de maréchal de France et l'épée de Connétable croisés en broderie.

On remarquera que le premier étendart donné par Lemau de la Jaisse en 1730 porte uniquement les attibuts et les couleur des maréchaux , sçavoir, le bâton de maréchal de France et les couleurs bleu et or. Au contraire celui décrit dans l'état militaire de 1738 et 1741 est aux couleur et attribus de la Connétablie sçavoir: le fond blanc de la compagnie colonelle des maréchaussées de France et l'épée et la devise du Connétable.

Enfin l'étendard décrit en 1774 quand à lui mêle l'attribut des Maréchaux: le bâton, à celui des Connétables: l'épée et il prend un fond rouge. Le rouge de de la Gendarmerie de France serait-on tenté d'écrire.

LE SERVICE A L'ARMEE

La compagnie ne comprend que 48 gardes ce qui est bien peu pour assurer la police de toute une armée en campagne, dispersée sur plusieurs fronts ou en plusieurs unités, aussi il est précisé : " lorsqu'elle accompagne les armées en campagne la compagnie de la Connétablie n'étant point assez nombreuse pour remplir toute les fonctions relatives à la police, le Prévôt Général a le droit, aussitôt qu'il a reçut les ordres du Roi, de multiplier le nombre des officiers et des gardes suivant le besoins. Il doit avoir soins de ne prendre que des militaires, de préférence dans les compagnies des gardes attachées à chacun des Maréchaux de France."

Pour le service à l'armée la compagnie de la Connétablie est divisées en plusieurs détachements selon l'état de l'armée, des camps et des colonnes. On fournit au Prévôt Général une garde de 30 hommes d'infanterie commandés par un lieutenant, ce détachement est chargé de la garde des prisonniers. On lui fournit aussi 30 maitres soit de cavalerie ou de dragons qui servent à prèter main forte aux brigades de la Connétablie lorsqu'elles font leurs tournées aux environs du camp. Ces détachements sont renouvelés toutes les 24 heures.

L'intendant Beaumont dans son manuscrit écrit « La Prévôté de l'armée pour la campagne de 1746 en Flandre était composée du Général Dumenil faisant fonction de Prévôt, de 4 lieutenant, 4 exempts indépendament de deux qui étaient auprès du Roy, de 2 greffiers, de 41 gardes y compris un trompette et de 2 exécuteurs.

Il y avait aussi un détachement des maréchaussées de Flandres, Artois et Soissonnois, composé d'un exempt, deux brigadiers, deux sous brigadiers et 16 cavaliers.

Ce n'est que depuis la campagne de 1744 qu'on associe au détachements e la connétablie, des détachements des maréchaussées voisines pour le service à l'armée. »

On le voit la Compagnies du Prévôt de l'armée pouvait se voir renforcée par des hommes tirés des maréchaussées provinciales.

PRIVILEGES

Certains régiments en particulier ceux d'infanterie, ont le privilège d'assurer leur propre justice militaire. On dit alors qu'ils ont la prévôté ou grand état major. La prévôté augmente l'état-major de: 1 auditeur, 1 prévôt, 1 greffier, 1 exécuteur de justice et 1 ou 2 archers qui sont les aides de l'exécuteur.

C'est tout d'abord le cas de tous les régiments étrangers au service de la France, les régiments Rooth et Berwick obtiennent par l'ordonnance du 25 décembre 1758 le privilège d'avoir la prévôté qui comprend 1 prévôt et son lieutenant, 1 greffier, 5 archers et 1 exécuteur de justice.

Les régiments français qui ont la prévôté sont: Picardie, Champagne, Navarre, Piémont, Normandie, La Tour du Pin, Bourbonnois, Auvergne, Talaru, Du Roi, Royal, Lyonnois, Dauphin, Aquitaine, Eu, La Couronne, Gardes Lorraines, Artois, La Reine, Orléans, La Fère, Royal Roussillon, Condé, Bourbon, La Fere, Dauphin, Aquitaine, La Reine, Royal Vaisseaux, La Couronne, Artois, Royal Roussillon, Lyonnais, Eu, Orléans, Condé, Royal Marine, Royal Comtois, Rohan Rochefort?, Nice, Penthièvre, La Marche, Conti, Enghien…

Royal Nassau est le seul régiment de hussards à avoir le privilège de la prévôté.

 

Jean-Louis Vial