Aux 17eme et 18eme siecles la noblesse n'a que deux vocations: l'état ecclésiastique ou la carrière des armes. Dans les deux cas la naissance et la fortune conditionnent la place et l'avancement. Dans les grandes familles l'aîné devient militaire et le cadet religieux. Ce qui n'empêche pas le passage d'un état à l'autre, et plus rarement le cumul des deux charges et surtout de leurs bénéfices. Mais la noblesse fournis plus de gentilshommes qu'il n'est de poste à pourvoir à l'armée. En particulier la fin de chaque guerre entraîne le licenciement d'une grande partie des troupes et les officiers ainsi réformés retournent soit à la cour soit surtout à la vie de hobereau provincial. Ceux dont l'érudition scientifique est suffisante et auxquels pèse cette vie de province ou ceux dont l'avancement est trop long choisissent un déboucher comme officier d'artillerie, ingénieur ou encore commissaire des guerres.

Contrairement aux autres corps de l'armée la vénalité et le caractère héréditaire des charges avaient été supprimés le1er avril 1716 pour les officiers de l'artillerie et du génie. Le rachat des charges fut payé en billet et la banqueroute du système de Law réduisit à néant bien des fortunes ainsi faites. La sélection se fait pour les ingénieurs, par un examen préalable puis un stage professionnel de 2 à 3 ans et enfin d'un examen définitif avec un emploi réservé dans l'infanterie en cas d'échec et pour les officiers d'artillerie par une formation dans des écoles spécialisées. De même à la différence des autres corps la progression dans la hiérarchie des ingénieurs et des artilleurs si elle se fait à l'ancienneté elle se fait également selon la compétence comme le rappel cette ordonnance de 1729 pour le service de l'artillerie " aucun subalterne quelque ancienneté qu'il ait ne pourra espèrer monter à un nouveau grade qu'il n'ait l'intelligence et la capacité convenable..."

La Guerre de Sept Ans marque pour l'artillerie la fin d'une conception de la tactique militaire, basée essentiellement jusqu'alors sur la guerre de siège. A cet égard le conflit avec Frédéric le Grand est riche d'enseignement, celui-çi porte l'artillerie sur le champ de bataille en dotant tout ses régiments d'infanterie de 2 pièces d'artillerie légère et d'un obusier et par la création en avril 1759 d'un bataillon d'artillerie à cheval qui ne sera créé en France qu'en 1792. Mais c'est sans doute l'armée Austro-Hongroise qui dès 1753 met en service un système d'artillerie rationnalisé et homogène qui inspirera Gribeauval. Cette guerre marque aussi la fin du système de Lavallière qui par l'ordonnance d'octobre 1732 impose l'uniformisation des calibres et de la largeur des voies, mais dont les pièces restent trop lourdes, peu manoeuvrables et inadaptées à l'évolution des conflits. L'adoption du système de Gribeauval en 1765 qui préfigure l'artillerie des campagnes de l'empire provoquera encore beaucoup de lutte d'influence entre les partisans de l'un ou de l'autre des systèmes et ne trouvera son terme qu'en 1776 ou Gribeauval devient lieutenant général et premier inspecteur de l'artillerie.

Notons enfin que l'artillerie de l'ancien régime reste largement dépendante des services de l'intendance en particulier pour ses déplacements. Elle ne possède pas encore de service du train, ce dernier lui est fournit par les intendants qui soumissionnent les marchés auprès d'entrepreneurs civils ou réquisitionnent des chevaux auprès des populations locales.


Pièces d'artilleries en action en 1745 (d'après Moltzheim)


ORGANISATION DU CORPS DE L'ARTILLERIE.

8 décembre 1755: suppression de la charge de Grand Maitre de l'artillerie et création de celle de Premier Inspecteur Général de l'artillerie. Mais on ne change pas si facilement les privilèges et ce fut cette année 1755 qui en apporta l'opportunité. Le Comte d'Eu possède alors la charge de Grand Maitre de l'artillerie transmise par son père tandis que son frère le Prince des Dombes est pourvu de celle de Colonel Général des Suisses, la mort de ce dernier en 1755 procure au ministre de la guerre d'Argenson une occasion inespèrée d'unification. On propose alors au Comte d'Eu la charge de son frère à condition qu'il remette au Roi celle de Grand Maitre de l'artillerie. Le ministre profite de la circonstance pour former le Corps Royal de l'Artillerie et du Génie par réunion à l'artillerie des officiers du génie. Bien vite la guerre aura raison de ce " hoche-pot " comme l'appelait le Maréchal de Belle-isle et qui fera écrire à Le Pelletier dans ses mémoires "on fit la réunion des trois corps et un beau matin sans que nous nous fussions doutés de la moindre chose chacun se trouva ingénieur, officier d'infanterie et officier d'artillerie", faisant allusion à la première réforme de 1720 qui réunit le régiment Royal Bombardier, les mineurs et les compagnies d'ouvriers au régiment d'infanterie Royal Artillerie et enfin celle de 1755 qui y joignit les ingénieurs.

Les officiers de l'état-major cessent de s'appeler commissaires et prennent les dénominations des grades qui sont dans l'armée:

Lieutenant d'artillerie des départements

--> Lieutenant colonel

Commissaires provinciaux

--> Capitaine en pied (capitaine en premier)

Commissaire ordinaire

--> Capitaine en 2nd

Commissaire extraordinaire

--> 1er Lieutenant

Officier pointeur

--> 1er Lieutenant

Un lieutenant-colonel d'artillerie ou du génie a rang de colonel d'infanterie, les premiers capitaines factionnaires ( également appelés capitaines en pied ou en premier ) de chacun des bataillons d'artillerie, de mineurs ou d'ouvriers ont rang de lieutenant colonel d'infanterie, les lieutenants, lieutenants en second et sous lieutenants des bataillons d'artillerie, de mineurs ou d'ouvriers ont rang de lieutenant en premier de l'infanterie.

Le Corps Royal de l'Artillerie et du Génie se compose alors: d'un état-major de 31 officiers, de 5 bataillons d'artillerie de 10 compagnies chacuns, de 5 compagnies d'ouvriers, de 5 compagnies de mineurs et enfin de 300 Ingénieurs ordinaires du Roi. Les compagnies d'artillerie sont de 72 hommes, celles d'ouvriers de 40 hommes et celles de mineurs de 50 hommes.

1 mars 1756: création de 4 compagnies de canonniers invalides. Ils servent dans les places à l'intérieur du royaume, assurant l'entretien et le gardiennage des pièces et des dépôts.

1 décembre 1756: le Corps Royal de l'Artillerie et du Génie est augmenté d'un 6ème bataillon d'artillerie, d'une 6ème compagnie d'ouvriers et d'une 6ème compagnie de mineurs. Les 6 bataillons d'artillerie comportent 16 compagnies de 50 hommes.(2 compagnies de sapeurs, 9 compagnies de canonniers, 5 compagnies de bombardiers) L'état-major de chaque bataillon est formé de:1 colonel-commandant, 1 lieutenant-colonel, 1 aide-major, 1 sous-aide major, 1 aumônier, 1 chirurgien. Le colonel et le lieutenant-colonel sont sans compagnies et roulent avec les colonels et lieutenant-colonels de l'infanterie suivant le rang de leurs corps. Les 6 premiers capitaines des six bataillons, le premier capitaine des mineurs et le premier capitaine des ouvriers ont le rang de lieutenant-colonel.

20 janvier 1757: ordonnance portant établissement d'une pièce de canon à la Suédoise à la suite de chaque bataillon d'infanterie. A cette époque l'infanterie de Frédéric II est dotée de trois pièces par bataillon ce qui fait écire au Maréchal de Belle-Isle en 1758 dans un agenda rédigé à l'attention de M. de Crémille " Il n'est pas naturel que notre infanterie puisse combattre contre l'infanterie prussienne avec une disproportion de plus de moitié ". Sur les 16 servants de ces pièces régimentaires, 8 seront tirés de l'artillerie et 8 seront issus du régiment.

24 février 1757: ordonnance règlant le service du Corps Royal d'Artillerie et du Génie suivant sa nouvelle formation. Les bataillons de ce régiment conservent les mêmes rang qu'avaient les bataillons de Royal Artillerie.

6 avril 1757: suppression des 11 commis contrôleurs établis par le service de l'artillerie dans les différents départements. Création d'un commissaire général du corps royal de l'artillerie et du génie et de 11 commissaires des guerres du Corps Royal de l'artillerie et du génie qui rendent comptent dans les provinces de tout ce qui regarde ce corps aux intendants auxquels ils sont subordonnés.

5 mai 1758: les ingénieurs quittent l'artillerie et vont former un corps séparé sous le nom de Corps des Ingénieurs ou du Génie.

5 novembre 1758: les 6 bataillons du Corps de Royal Artillerie sont convertis en 6 brigades. Chacune des brigade est composée de 8 compagnies de 100 hommes, dont 5 de canonniers, 2 de bombardiers et 1 de sapeurs. Les compagnies de mineurs et celles d'ouvriers placées en dehors des brigades appartiennent toujours à l'artillerie
Les anciens départements de l'artillerie sont supprimés et le territoire est partagé en 22 directions d'artillerie.

10 mars 1759: les compagnies de sapeurs sont retirées des brigades d'artillerie et passent avec les compagnies de mineurs au Corps du Génie mais elle continuent à tenir rang à la suite de Royal Artillerie. Les compagnies d'ouvriers intègrent les brigades d'artillerie en remplacement de celles des sapeurs. Le Corps Royal Artillerie comprend alors 636 officiers, dont 1 directeurs, 6 inspecteurs, 6 chefs de brigade, 28 colonels, 33 lieutenant colonels, 111 capitaines en premier, 109 capitaines en second, 120 lieutenants en premier, 126 lieutenants en second, 96 sous-lieutenants.

27 février 1760: les compagnies de sapeurs réintègrent les brigades d'artillerie et les compagnies d'ouvriers sont misent à la suite de chaque brigades.

5 novembre 1761: création de 3 brigades pour le service de la marine chargées de la défense des côtes, elles sont affectées aux ports de Toulon, Brest et Rochefort. Chaque brigade se compose alors de 8 compagnies de 100 hommes dont 7 de canonniers et 1 de bombardiers. La brigade de Rochefort est supprimée le 5 mars 1764, celles de Toulon, Brest le sont le 25 mars 1765.

21 décembre 1761: les 6 brigades d'artillerie de terre sont augmentées de 2 compagnies de canonniers passant à 10 par brigades. Les compagnies de mineurs quittent le Corps du Génie et réintègrent l'Artillerie ou elles sont mises une à la suite de chaque brigade. Les brigades prennent le nom de leur commandant.

8 décembre 1762: création d'une brigade de 8 compagnies pour le service des colonies.


Organisation d'après les États Militaires de 1759 et 1760

L'état-major de chaque bataillon ou brigade se compose de : 1 colonel commandant, 1 lieutenant-colonel, 1 major, 1 sous-aide major, 1 aumônier et 1 chirurgien.

Composition d'une compagnie de canonniers:

1 captaine

2 Sergents (3 en 1759 puis 6 en 1760)

1 captaine en 2nd

2 Caporaux (3 en 1759 puis 6 en 1760)

1 1er lieutenant

2 Ansepessades (3 en 1759 puis 6 en 1760)

1 lieutenant en 2nd

43 Artilleurs (40 en 1759 puis 79 en 1760)

2 sous lieutenant

1 Tambour (1 en 1759 puis 3 en 1760)

Composition d'une compagnie de sapeurs (Ord. du 10 mars 1759):

1 captaine

3 Sergents

1 1er Lieutenant

3 Caporaux

3 Ansepessades

50 Sapeurs

1 Tambour

Composition d'une compagnie de mineurs:

1 Captaine

4 Sergents

1 Captaine en 2nd

4 Caporaaux

1 1er Lieutenant

4 Ansepessades

1 Lieutenant en 2nd

46 Mineurs ou Apprentis

2 sous Lieutenants

2 Tambours

Composition d'une compagnie d'ouvriers:

1 Captaine

3 maitre-Ouvriers

1 1er Lieutenant

3 sous-maitre-Ouvriers

1 Lieutenant en 2nd

25 Ouvriers

1 sous Lieutenant

8 Apprentis

1 Tambour

L'artillerie est de plus dotée d'une organisation administrative autonome avec son propre trésorier ordinaire des guerres.

Les artilleurs servent aussi bien dans le service, c'est à dire la fabrication, le contrôle, la gestion des pièces de la poudres et du matériel de l'artillerie que dans l'arme. Lorsqu'un équipage d'artillerie est sur pied, on lui adjoint des commis du contrôleur général.

CONTROLE DES TROUPES

Bataillons (ou brigades) d'artillerie d'après les État Militaires de 1758 et 1759 Bataillon de CHABRIÉ Bataillon de SOUCY Col.Cdt. M. de Chabrié M. de Soucy Lieut.Col. M. d'Omonville M. de Guiscard Major M. de Voisin M. de Saint Hilaire Aid.Maj. M. Ysarn de Montclerc M. de Geneste S.Aid.Maj. M. de Lastic M. de Sénarmont Bataillon de la MOTTE Bataillon de MENONVILLE ColCdt. M. de la Motte M. de Menonville Lt.Col. M. d'Artigue M. de Griau Maj. M. Durie M. Dostalis Aid.Maj. M. de Vanelm M. de Palminicq S.Aid.Maj. M. de Beauvais Bataillon de COSME Bataillon d'AUMALE Col.Cdt M. de Cosme M. d'Aumale Lt.Col. M. du Sausaie M. de Villiers Maj. M. Dehaut de Malllavillier M. de Clawes Aid.Maj. M. Gimel du Tudeil M. de Beauran d'Urson S.Aid.Maj. M. Texier de Norbec M. de Nizon

SERVICE DURANT LA GUERRE DE SEPT ANS

Il est parfois difficile de suivre les bataillons au cours des campagnes car ils sont cités par le nom de leur commandant et ce dernier se retrouve successivement à la tête de bataillon différent selon sa progression hiérarchique.

Les bataillons d'artillerie durant la Guerre de Sept Ans:

Le 1er bataillon s'appel bataillon de Chabrié de janvier 1753 à janvier 1759 ou il devient Loyauté jusqu'en mars 1761 ou il devient Saint-Auban. Ce bataillon sert de 1757 À 1758 à l'armée du prince de Soubise, puis en 1761 il est à l'avant garde de l'armée du prince de Condé, il est à Unna, au siège de Meppen.

Le second bataillon s'appel de La Motte de décembre 1751 à janvier 1759 ou il devient d'Invilliers jusqu'en mars 1761 ou il devient Loyauté jusqu'en 1765. En 1756 le bataillon est envoyé en en Allemagne, 1757 il est la bataille d'Hastembeck, puis en 1758 à celle de Crefeld et au siège de Munster, en 1760 à Korbach, Warbourg et Clostercamp.

Le troisième bataillon s'appel de Soucy de mars 1749 à janvier 1759 ou il devient de la Pelleterie jusqu'en avril 1762 . En 1758 il est affecté sur les côtes de Normandie, en 1760 il rejoint l'armée d'Allemagne, en 1761 il est à Meppen.

Le quatrième bataillon s'appel de Menouville de décembre 1754 à janvier 1759 ou il devient de Beausire jusqu'en 1769. En 1757 ce bataillon est avec à l'armée du maréchal d'Estrée.

Le cinquième bataillon s'appel d'Aumale de décembre 1755 à juin 1756 ou il devient Loyauté jusqu'en janvier 1759 puis il devient Chabrié jusqu'en mai 1759 ou son colonel-commandant est tué au milieu de ses pièces à la bataille de Bergen, lui succède M. de Villepantour jusqu'en mai 1765. En 1757 une partie du bataillon est affecté sur les côtes de Méditerranée, l'autre est avec l'armée du prince de Soubise. En 1758 sur les côtes de Bretagne où il participe à la bataille de Saint-Cast. En 1759 un détachement est à l'armée de Broglie, 1760 armée d'Allemagne, 1761 Cassel.

Le sixième bataillon s'appel de Cosme de janvier 1757 à janvier 1759 où il devient du Mouy jusqu'en février 1761 puis prend le nom de Loyauté jusqu'en mars 1761 ou il devient d'Invilliers. Il fait les campagnes de l'armée d'Allemagne, en 1758 on le retrouve à Gutzelberg, en 1759 à Minden, 1760 Cassel, Korbach, Warbourg. En 1761 une partie du bataillon sert à l'armée du prince de Soubise tandis qu'un détachement assure la défense de Belle Ile.

Service à l'armée:

Pour l'exemple ce ce que pouvait être une unité d'artillerie accompagnant une armée, voiçi l'effectif du corps d'artillerie relevé dans le journal de l'armée du prince de Soubise en 1758: M. le chevalier de Pelletier avec le grade de maréchal de camp, commandant en chef de l'artillerie, M. de Guiol brigadier, commandant en second, M. de Saint Auban aide major, MM. de Mançon et Dandreuil aides majors, M. de Lami lieutenant colonel et commandant du Parc d'artillerie, MM. de Bronc et de Savaron aides du Parc M. de Bourcet brigadier et commandant du génie. Accompagnés de 4 pièces de 12, 4 pièces de 8, 22 pièces de 4 longues, 10 pièces de 4 courtes pour les Wurtemberg et 4 obusiers. Pour les servir les artilleurs du bataillons de Loyauté accompagné du régiment d'infanterie de la Dauphine.