L'INTENDANCE ET LE PARC DES VIVRES

L'approvisionnement constitue un des problèmes majeurs de l'armée, son insuffisance explique en grande partie le maraudage, le vol et la désertion.

En campagne l'infanterie française reçoit une ration journalière composée de 24 onces de pain, cuit et rassis entre bis et blanc, d'une pinte (mesure de Paris) de vin, bière ou cidre et d'une demi-livre de viande de bœuf, veau ou mouton sauf le vendredi. La distribution se fait pour 4 jours. Le dragon reçoit une ration de pain de 24 onces, une pinte de vin, bière ou cidre et une livre et demi livre de viande. Les cavaliers et les hussards reçoivent chacun 26 onces de pain, 1 pinte et demi de vin ou bière, 2 livres de viandes.

ORGANISATION

Les entrepreneurs des vivres sont des civils qui passent avec l'intendance un marché pour la fourniture de pain et de biscuit ou de viande. Ces entrepreneurs sont le plus souvent des prête-nom qui représentent les intérêts financiers des banquiers, ou des riches aristocrates. Un peu comme pour les fermes générales ces financiers font à l'état l'avance des fonds nécessaires pour mener à bien telle ou telle entreprise. L'état n'entretenant pas d'administration spécifique capable de gèrer ces activités.

Les entrepreneurs des vivres ont dans chaque armée, attaché à l'état major, un de leur principaux commis sous le titre de Directeur Général des Vivres encore appelé Général des Vivres. Celui-ci à sous ses ordres un commis général des travaux , un capitaine des vivres, un commis à l'achat des grains, un commis à l'achat des chevaux, un commis général du parc des vivres.

Le directeur général des vivres est subordonné à l'intendant de l'armée, il reste a l'état major. Il y constitue un bureau composé de deux à trois commis: commis des vivres, commis général du parc ... , ainsi qu'un trésorier, un aumônier pour dire la messe dans le parc des vivres, des aides du parc, et des écrivains.

A l'armée il a droit pour assurer la sécurité de la caisse et de son parc à une garde d'infanterie. Elle est ordinairement de 30 hommes commandés par un lieutenant, et tirée des régiments qui ne monte pas la garde chez les généraux . Les régiments fournissent cette garde par roulement.

Le Commis général des travaux est responsable de l'entretien et de la construction des fours à pain, c'est lui qui compose les brigades de boulangers et des ouvriers qui lui sont subordonnées. Il délègue ses pouvoirs à des commis des travaux qui reçoivent les équipage des vivres, s'assurent de la démolition des fours, du chargement des cintres.

Le Capitaine des vivres commande à tout ceux qui sont préposés à la conduite des équipages et chariots des vivres. Un équipage des vivres comprend 25 caissons pour le transport de la farine et du pain, et se compose de 1 capitaine, 2 conducteurs, 1 maréchal ferrant, 1 bourrelier, 1 charron, 25 charretiers et 4 hauts-le-pieds (surnuméraires pour remplacer les charretiers malades) et un commis à la conduite.

Le Commis à l'achat des grains passe les marchés nécessaire pour la fourniture de blé, de seigle sous le contrôle du bureau de l'intendant de l'armée.

Le Commis à l'achat des chevaux passent des marchés pour l'acquisition de chevaux de trait ou de mulets. Si l'on manque de chevaux, l'intendance peut réquisitionner de façon temporaire auprès des populations locales.

Le Commis général du parc des vivres est responsable du bon ordre des équipages des vivres à l'armée. C'est lui qui règle leur campement, il doit toujours camper au milieu de ses équipages. Il est aidé par un aide du parc et plusieurs écrivains.

CONCERNANT LE PAIN ET LES FOURS DE CAMPAGNE

Une des limites à la progression de l'armée au cours des campagnes offensives et constituée par les approvisionnements. Et en particulier par celui du pain de munition. Celui-ci est cuit tout les 3 jours et distribué tout les 4 jours d'où l'importance de la construction des fours à pain. Cet argument permet souvent aux généraux peu téméraires et prudents de justifier auprès du Roi leurs lenteurs et leurs atermoiements. Feuquière précise dans ses mémoires "Il (le pain) se cuit aussi souvent à l'armée ou l'on construit des fours, parce qu'une charrette porte le triple de farine de ce qu'un camion porte en pain".

Le pain qui fournit 2 rations de 24 onces, est fait avec 2/3 de farine de froment et 1/3 de farine de seigle. C'est un commis à l'achat des grains qui est chargé de la négociation de l'achat du grain, de sa mouture et de son acheminement à l'armée. Dès qu'une place est investie l'intendance réquisitionne les moulins. Si nécessaire elle fait établir des moulins à cheval qui peuvent moudre six septiers de blé par jour, ou des moulins à bras permettant de moudre un septier par jour.

Le Commis général des travaux est responsable de l'entretien et de la construction des fours à pain, c'est lui qui compose les brigades de boulangers et des ouvriers qui lui sont subordonnées. Il délègue une partie de ses pouvoirs à des commis des travaux qui reçoivent les équipage des vivres, s'assurent de la démolition des fours, du chargement des cintres sur les charettes.

Il se construit deux types de fours. Les premiers transportables ont une armature métallique, rapides à construire mais de petit volume, les seconds en maçonnerie permettent de plus grosse fournées mais nécessitent des travaux plus importants. Les fours sont en règle, construits à l'intérieur de bâtiments tels que les granges afin de les protéger des intempéries. Leurs carastéritiques décrites ici son tirées du manuscrit de l'intendant de Beaumont.

- Les fours à armature sont construit avec 7 cintres de fer pesants chacun 110 à120 livres et une équille de fer d'environ 100 livres, laquelle sert à embrasser les cintres par dessus et une plaque de fer de 60 livres appelé bouche du four.

 

Un four dans son entier pèse 1000 livres et nécessite un chariot ou une charrette attelée de 4 chevaux pour le porter.

 

Une fois l'armature installée on monte les parois de brique ou à défaut de pierres brutes et de terre grasse pétrie avec du foin. L'âtre doit être de 6 pouces de terre grasse battue pendant 4 heures au moins. La hauteur du four depuis le rez-de-chaussée jusqu'à l'âtre est de 3 pieds, depuis l'âtre jusqu'au plus haut de la voûte de 18 pouces, sa longueur ou profondeur doit être de 13 pieds sur 11 de large. La construction de ce four nécessite 5 maçons et 3 manœuvres pendant 7 à 8 heures.

 

- Les fours en maçonnerie ont une hauteur depuis le rez-de-chaussée jusqu'à l'âtre de 3 pieds 6 pouces. On élève perpendiculairement de chaque cotés sur la longueur du four un mur de 6 pouces sur lequel on commence à former les reins de la voûte des 2 cotés, la hauteur au milieu est de 18 pouces. Pour parvenir à lui donner la forme on utilise des branches de bois vert que l'on courbe et sur lesquelles on met des planches pour soutenir la maçonnerie pendant la construction qui est faite de brique et de mortier fin. Le four est ensuite carrelé avec un mortier de terre glaise pour résister à la chaleur. La bouche du four à 2 pieds de large sur 1 et 1/2 de haut. On enlève les cintres de bois quelques jours après. Pour ces fours en maçonnerie 5 maçons et 3 manœuvres mettent au moins trois jours pour les construire.

A l'armée les boulangers sont organisés en brigade, qui comprennent un maître et 2 ou 3 garçons boulangers. Chaque four en maçonnerie peut contenir 250 pains soit 500 rations de pain. Pour servir un tel four il faut avec les 3 boulangers, 2 hommes pour fendre du bois, porter l'eau et autres petites besognes. On peut faire 5 fournées de 500 rations par jours et les boulangers auront encore 6 heures et demi pour se reposer précise Chenevière, ce qui fait des journée de 17 heures !.

Les ustensiles nécessaire au boulanger sont: un pétrin qui doit contenir 3 sac de farine pour faire 500 rations, il fait de bois de sapin et mesure 6 pieds de long, est large de 15 pouces en bas et de 2 pieds et demi par le haut, profond de 2 pieds, un peut plus haut par l'arrière, le couvercle du pétrin mesure 7 pieds et demi de long, il faut encore une chaudière d'un pied et demi de diamètre et 20-22 pouces de profondeur, un trépied, 3 baquets, une balance avec un poids de 3 livres et demi et un de 3 livres, 2 baquets à levain, un brancard à porter le pain, un coupe pâte, un coin en fer, un merlin, une pelle de fer rond, une pelle de bouche, une pelle de bois de charge, une pelle de bois de fond, une pelle à braise, un sable, un seau, un tour à tourner la pâte et une tine à porter l'eau.

Pour une armée de 50.000 hommes il faut 75.000 rations de pain par jours à cause du grand et du petit état major, de l'artillerie, des charretiers des vivres ... .Pour cette même armée et une campagne de 6 mois il faut prévoir 75.000 sacs de farine à 200 livres chacun, 1 sac de farine donnant 180 rations de pain

Le pain nécessaire pour toute cette armée de 50.0000 hommes se cuit tout les soit 830 sacs de farine pour 150.0000 rations. Les caissons à rations de pain transportent 800 rations; il faut 500 caissons et 20.000 chevaux sans compter les hauts-le-pieds pour une armée.

Le biscuit est une sorte de pain sec qui permet à l'armée de progresser sans attendre la distribution du pain, il peut se conserver en caisse ou en baril pendant près d'un an.

CONCERNANT LA VIANDE

Deux mois avant d'entrer en campagne le Ministre passe un marché avec un entrepreneur pour fournir de la viande à toutes les troupes à raison d'une demi livre par jour et par homme d'infanterie à l'exception du vendredi. L'on compte qu'un bœuf fournit 500 livres de viande et nourrit 1000 hommes par jour. Les bœufs viennent principalement du Limousin, d'Auvergne, de la Marche, du Morvan, du Berry, de la Bresse ou du Charolais, mais aussi de Hongrie, de Hollande et d'Allemagne. Ordinairement le ministre oblige l'entrepreneur d'avoir sur pied à l'entrée en campagne le sixième au moins de la quantité de bœuf nécessaire pour la fourniture totale de l'armée pendant 6 mois de campagne. L'intendant fixe les communes ou l'on doit les rassembler et les mettre en pâturage. Le général de l'armée donne une garde de 30 hommes pour assurer la sécurité dans leurs marches et dans le parc des vivres. Les bêtes sont gardées par des valets et des garçons bouchers.

Une armée de 12.000 hommes consomme chaque 4 jours 400 bœufs. Tout est récupéré le suif, les pieds, les peaux pour l'artillerie (les peaux de bœuf fraîchement écorché servent à protéger les fascines et d'empêcher que le feu y prenne.).

CONCERNANT LE VIN, BIERE, LE TABAC

En campagne les fantassins et les dragons reçoivent une ration journalière d'une pinte mesure de Paris de vin, de bière ou de cidre, les cavaliers et les hussards reçoivent 1 pinte et demi.

Sans compter les nombreux tonneaux que transportent les vivandiers qui suivent l'armée.

Une ration de tabac est également fournie à la troupe. Le contrôle du commerce du tabac est très strictement contrôler par la Ferme Générale qui taxe fortement son commerce et réprime très durement toute contrebande. En ce domaine la ferme générale peut à tout moment contrôler la troupe dont les officiers doivent se plier à leur réquisition.

CAMPEMENT ET PARC DES VIVRES

Les vivres s'installent toujours au plus près du parc d'artillerie. Ils ne campent jamais en écurie et le capitaine des vivres et le commis général du parc des vivres campent au milieu des équipages. Le capitaine fait parquer les équipages au fur et à mesure qu'ils arrivent, l'un après l'autre, il les fait former un parc en rond, faisant mettre les charrettes à la queue et ne laissant pour passage ou ouverture que la largeur d'un caisson, que l'on ferme la nuit avec une prolonge, ainsi les chevaux sont en sûreté en dedans de ce parc.