Les États des Cercles de l'Empire
&
L'Armée des Cercles

par Jean-Louis Vial

 

Lorsque l'on étudie les conflits du 17me et 18 me siècle on est toujours confronté à des questions concernant les "petits états allemands" et le Saint Empire Romain Germanique. En particulier on voit la levée et la création d'une multitude de corps de troupes dont il est parfois difficile de connaitre l'origine exacte, de comprendre les alliances souvent mouvantes. Le but ici n'est donc pas d'écrire l'histoire du Saint Empire mais d'essayer de dresser un tableau de son institution militaire durant la période 1648-1763.

Le traité de Westphalie en 1648 marque la fin de la terrible Guerre de Trente Ans, il redistribue les territoires de l'Empire en particulier au profit des princes protestants avec la sécularisation d'un grand nombre d'évêchés ou d'abbayes. Cette nouvelle carte du Saint Empire ne connaitra que quelques modifications mineures jusqu'à la fin de l'Ancien Régime.

Le traité de Paris en 1763, quand à lui marque la fin de la Guerre de Sept Ans, c'est dernier grand conflit européen engageant tout le Saint Empire, il consacre l'émergeance de la Prusse face à l'Autriche, " un nord protestant éclairé face à un sud catholique despotique ".

Entre ces deux dates on trouve la majeure partie des grands conflits de l'Ancien Régime: la guerre de Ligue d'Augsbourg, la guerre de Succession d'Espagne, la grande guerre du Nord, la guerre de Succession d'Autriche, la guerre de Succession de Pologne ....

 

Le Saint Empire

A l'origine au Xème siècle le Saint Empire étend son autorité sur une vaste région géographique comprenant le royaume de Bourgogne-Arles, l'Italie, la Suisse et la mosaïque des États Allemands qui représentent déjà la majeure partie du Saint Empire. L'érosion territoriale du Saint Empire sera principalement le fait de la France qui petit à petit rognera toute la frange ouest du Saint Empire: Lyon en 1312, le Vivarais en 1305, le Dauphiné en 1349, Toul et Verdun en 1499, l'Artois, la Flandre Lilloise, le Hainaut et une partie du Luxembourg et la Franche Comté après les paix d'Aix-la-Chapelle puis de Nimègue en 1668 et 1678 et enfin la Lorraine obtenue par Louis XIV en viager de son beau-père Stanislas Leczinski en 1735-1766.

La Suisse avait obtenu son indépendance vis à vis de l'Empire par le traité de Bâle en 1499 elle sera confirmée par le traité de Westphalie en 1648.

L'Italie a été exclue administrativement du Saint Empire lors du découpage de celui-ci en Cercles et ne participe plus aux Diètes d'Empire dès 1496.

Il existe différentes institutions administratives dans l'Empire, en particulier il faut distinguer les Diètes d'Empire et les Diètes des Cercles, on peut sièger au Diète d'Empire sans avoir de siège aux Diéte des Cercles. Les diètes des Cercles sont réservées au seuls propriétaires d'un état immédiat.

Dans les Diètes d'Empire, la voix des princes est supérieure à celle des comtes qui ne votent que par Banc et non par tête comme les princes ainsi la Principauté de Salm au prince du nom peut elle seule influer dans les affaires de l'Empire aux Diètes générales autant que les 36 voix que donnent les 36 comtés ou seigneuries du Banc des comtes de Westphalie. A l'inverse dans les Diètes des Cercles un état immédiat donne une voix quelque soit le rang de son propriétaire. De même plusieurs comtes peuvent se partager et sièger pour un même comté mais celà ne donne qu'une seule voix.

Diète des Cercles - Matricule de l'Empire - Mois Romain

Les Cercles constituent une subdivision administrative du Saint Empire, le morcellement des états allemands imposant la création de structures administratives régionales: les Cercles (Kreise) entre 1500 et 1522. La diète d'Augsbourg de 1500 fixe à 6 le nombre ce Cercles: Bavière, Basse-Saxe, Souabe, Franconie, Westphalie et le Haut-Rhin, enfin les diètes de Trèves et de Cologne portent leur nombre à 10 ajoutant les Cercles d'Autriche, de Bourgogne, de Haute-Saxe et le Cercle Electoral. La Diète de Nuremberg en 1522 fixe définitivement le nombre de Cercles à 10.

Encore ne suffit-il pas d'être noble, prince ou duc, autrichien ou allemand avec de grandes possessions territoriales pour sièger aux Diètes des Cercles (Kreisrat).

Il faut possèder une terre encore appelé un état immédiats (unmittelbach Stand) qui confère ce droit. Par les alliances, successions, acquisitions, ces états immédiats vont rapidement se concentrer entre les mains d'une dizaine de grandes Maisons d'Allemagne et d'Autriche (Brandebourg, Hohenzollern, Saxe, Bavière...).

Les décisions concernant les états immédiats, les taxes de l'Empire comme le mois Romain ... sont prises dans les assemblées appelées Diètes des Cercles, chaque titulaire d'un état immédiat bénéficie d'une voix quelque soit sont rang ou titre, mais un prince qui possède plusieurs états immédiats possède autant de voix que d'état, il peut souvent par ses différentes possessions avoir des voix dans différents Cercles. Ainsi le Palatinat comporte 14 baillages répartis de part et d'autre du Rhin. l'Électeur Palatin vote également aux Diètes du Cercle de Westphalie pour le comté de Juliers, du Cercle de Bavière pour la principauté de Sulzbach et la seigneurie de Stauf-Ehrenfels. De même l'Électeur de Brandebourg vote aux Diètes du Cercle de Westphalie pour le duché de Clèves et la principauté de Mœurs, aux Diètes du Cercle de Haute Saxe pour le comté de Hohenstein.

Certains Cercles organisent leur hiérarchie au sein des Diètes des Cercles en banc, tout comme aux Diètes de l'Empire, il en est ainsi du Cercle de Franconie qui comprend un banc des princes ecclésiastiques, un banc des princes séculiers, un banc des comtes et seigneurs et un banc des villes. Mais on voit des princes qui siègent au banc des princes séculiers dans les Diètes des Cercles (Nassau-Ussingen, Nassau-Saarbrück, Oettingen, Hohenzollern-Zigmaringen ...) et qui ne sont pas admis dans les bancs des princes des Diètes de l'Empire.

Pour nous permettre d'apprécier ce que représente la contribution à l'effort militaire de chacune des parties de l'Empire nous nous baserons sur la taxe ou Mois Romain du Matricule de l'Empire arrêté à Ratisbone en 1654 où sont "emploïez les noms de tous les Princes, État, et Membres de l'Empire qui en qualité d'États immédiats sont obligez de contribuer aux dépenses communes de l'Empire". Ce matricule était conservé dans la Chancellerie de l'Électeur à Mayence. C'est ce Matricule qui fixe la liste des états immédiats qui payent le Mois Romain et pour quel montant.

Le Mois Romain est une taxe que chacun des États immédiats est tenu de fournir pour l'entretien des troupes levées pour leur défense commune, soit sous forme de soldats équipés, cavalier ou fantassin, soit sous forme d'argent.

D'après Heiss le nom de ce mois romain vient de ce que " les États de l'Empire étaient autrefois obligés de lever et d'entretenir à leurs dépens vingt mille hommes de pied et quatre mille de chevaux, pour accompagner l'Empereur lorsqu'il faisait le Voyage de Rome".

Le montant de cette taxe fut fixée sous Charles Quint, et son montant est resté le même bien que le coût et l'entretien des soldats ait augmenté, aussi pour compenser cette inflation, on demande pour un cavalier jusqu'à cinq Mois Romain et pour un fantassin jusqu'à trois Mois Romain. On fait de même pour augmenter le nombre des troupes à lever selon les nécessité en imposant plus ou moins de Mois Romain.

Ajoutons encore que ces taxes sont diversements payées, ainsi le Cercle de Bourgogne n'a-t-il jamais payé ce qui lui était imposé, mais ses taxes figurent toujours dans les matricules.
De même les Évêchés et Benéfices religieux ont vu se réduire de façon importante leurs rentrées d'argent depuis l'avènement de la confession d'Augsbourg et la sécularisation d'une partie de leurs biens d'ou une réduction de leur contribution. De même encore les princes qui servent à l'armée ou à la Cour l'Empereur, usent de toute leur influence pour être exempté ou pour réduire leurs taxes. Enfin les guerres successives en Europe servent de justificatif à de nombreuses demandes d'allègements ou d'exemptions de la part de plusieurs pays ou villes.

 

Cercle de Franconie
Cercle de Bavière
Cercle du Bas Rhin
Cercle de Westphalie
Cercle du Haut-Rhin
Cercle de Souabe
Cercle de Basse Saxe
 

Jean-Louis Vial