Formation d'un régiment d'infanterie en bataille
durant la Guerre de Sept Ans

Le 18me siècle voit apparaître de profondes modifications dans les évolutions et les manœuvres de l'infanterie en bataille. Elles sont le fait de la substitution du mousquet par le fusil qui par sa maniabilité et la vitesse du tir entraîne une augmentation de la puissance de feu avec pour corollaire la disparition des piques de l'infanterie au début du siècle.

L'organisation des régiments d'infanterie française de la Guerre de Sept Ans est réglée par trois instructions principales de 1750, 1753 et 1755. Chacune de ces ordonnances successives reprenant les précédentes, à quelques détails près, mais elles se complètent et précisent les instructions.

L'Organisation du Régiment

     Le Bataillon et la Brigade

 

La plupart des régiments français sont à un seul bataillon aussi sont-ils regroupés en brigade, pour former une unité combattante plus conséquente, en règle la brigade représente 4 bataillons d'infanterie. Cette brigade prend alors le nom du plus vieux des régiments qui la compose, cette habitude pose parfois problème pour identifier correctement les régiments présents lors des batailles, les relations de l'époque faisant souvent référence uniquement au nom de la brigade sans détailler les régiments qui la composent. Les régiments étrangers font le plus souvent brigade ensemble, de même pour une campagne la composition des brigades est conservée.

L'état-major d'un régiment comprend 1 colonel, 1 lieutenant-colonel, 1 major, 1 aide-major, 1 aumônier et 1 chirurgien. L'ordonnance du 1er janvier 1755 rétablit le privilège pour le colonel et le lieutenant-colonel de commander les deux plus anciennes compagnies, possibilité qui avait été supprimée en février 1749.

 

     La Compagnie : unité administrative du régiment

 

Depuis le 1er août 1755 chaque bataillon est composé de 16 compagnies de fusiliers, 1 de grenadiers et d'un état-major. Puis l'ordonnance du 17 août 1757 porte chaque bataillon à 17 compagnies par augmentation d'une compagnie de fusiliers.

Les compagnies de fusiliers se composent de 1 capitaine, 1 lieutenant, 2 sergents, 3 caporaux, 3 ansepessades, 31 fusiliers, 1 tambour.

La compagnie de grenadiers comporte 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 2 sergents, 3 caporaux, 3 ansepessades, 36 grenadiers et 1 tambour.

Ce qui fait un effectif théorique par bataillon de 685 hommes et de 35 officiers

La compagnie constitue l'unité administrative de base placée sous le commandement de son capitaine qui en est également le responsable financier, il perçoit en effet des caisses de l'extraordinaire des guerres une somme d'argent pour l'entretien et l'équipement de sa compagnie, cette somme est proportionnée au nombre de soldats présents, d'où la concurrence entre les capitaines pour le recrutement des soldats d'où également les faux soldats ou passe-volants.

Le capitaine est le pivot du régiment par la responsabilité qu'il a des recrues. Mais il en représente également le principal défaut. A ce propos voici ce qu'écrit en décembre 1757 le comte de Saint Germain " la méthode de mettre les troupes au compte du capitaine est pernicieuse, et tant qu'elle subsistera, il n'y aura pas de subordination. Les capitaines ne font leurs recrues qu'à force d'argent, parcequ'ils courent sur le marché des uns des autres. On ne veut pas perdre une recrue qui coûte beaucoup, et pour la conserver on évite de lui donner le moindre déplaisir, on lui permet tout. Il ne s'agit que de pouvoir présenter des hommes aux commissaires ; mais comme la discipline pourrait leur déplaire et en faire déserter, on n'en exige aucune. Le lieutenant d'une compagnie n'oserait dire un mot à un soldat : ce serait couper un arbre fruitier dans la métairie du capitaine."

Après la Guerre de Sept Ans, un élément important des réformes engagées par Choiseul, le nouveau Ministre de la Guerre, est la suppression la charge du recrutement des hommes par le capitaine, cette charge incombant dorénavant à l'État. De même Choiseul supprimera le concordat ; l'avancement se faisant à l'ancienneté du brevet de capitaine ou de lieutenant, certains officiers fortunés s'entendaient avec des capitaines ou des lieutenants moins riches pour obtenir, qu'ils se retirent du service moyennant une somme d'argent, permettant ainsi une rapide avance hiérarchique.

Lors de la transmission des ordres pour les évolutions et les manœuvres, la compagnie est alors appelée section, on dira par exemple à " à droite par section" , mais nous y reviendrons.

 

     Le Peloton : unité combattante du régiment

 

Dans la pratique, le peloton constitue l'unité de base fonctionnelle du bataillon, elle est constituée de deux compagnies placées sous le commandement du plus ancien capitaine des deux compagnies. Ici encore la hiérarchie entre les différentes compagnies est basée sur l'ancienneté du brevet des capitaines.

"Dans toutes les occasions, soit pour camper, pour se mettre en bataille ou pour marcher, les compagnies d'un même bataillon seront couplées deux à deux pour former des pelotons dans l'ordre suivant :

-La 1ere et la 7eme compagnie formeront le 1er peloton qui fermera la droite du bataillon,

-La 2eme et la 8eme compagnie formeront le 2eme peloton, qui fermera la gauche du bataillon;

- La 3eme et la 9eme compagnie formeront le 3eme peloton; qui se placera sur la gauche du premier peloton;

- La 4eme et la 10eme compagnie formeront le 4eme peloton, qui se placera sur le droite du deuxième peloton;

- Le 5eme et la 11eme compagnies formeront le 5eme peloton qui se placera au centre, sur la gauche du troisième peloton;

- Les 6eme et les 12eme compagnies formeront le 6eme peloton qui se placera au centre sur la droite du 4eme peloton.

- La compagnie de grenadier se formera sur la droite du bataillon quand il sera en bataille, la compagnie de piquet se placera sur la gauche du bataillon.

Les bataillons d'un même régiment devant se placer alternativement à droite et à gauche et au centre, on observera que l'ordre des pelotons des grenadiers et des piquets sera renversé, non seulement dans les bataillons qui fermeront la gauche du régiment, mais encore dans le 3eme bataillon qui sera à la gauche du premier dans les régiments composés de quatre bataillons ; ce qui ne changera rien à la disposition des piquets dans le camp dont les faisceaux seront toujours à droite de chaque bataillon.

 

     La Compagnie de Grenadiers

 

La compagnie de grenadiers comporte 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 2 sergents, 3 caporaux, 3 ansepessades, 36 grenadiers et 1 tambour.

A noter que les grenadiers postiches sont des " fusiliers que l'on incorpore aux compagnies de grenadiers quand le nombre n'en est pas assez grand pour le service que l'on exige ". C'est le plus souvent parmi eux que l'on tirera ensuite les grenadiers. L'ordonnance du 8 avril 1718 impose au capitaine des grenadiers de verser la somme de 25 livres au capitaine des fusiliers dont il prend le soldat afin de permettre la levée d'un autre homme.

La compagnie de grenadier se place sur la droite du bataillon quand il est en bataille.

 

     La Compagnie de Piquet

 

La compagnie de piquet est un détachement de 50 hommes dont deux sergents et un tambour, commandé par un capitaine, un premier lieutenant et un lieutenant en second. On relève cette troupe toute les 24 heures, comme les autres gardes du moins pour les soldats, car, pour les officiers "elle s'observe différemment".

Dès qu'un bataillon sert en garnison, on doit faire former le piquet, lequel en bataille se met sur la gauche, et en colonne marche à la queue à moins que la compagnie de grenadiers ne soit détachée ailleurs. En son absence, il prend en bataillon la droite et en colonne la tête de la marche.

S'il arrive que le régiment forme la gauche d'une colonne et soit campé en colonne renversée, dans ce cas le piquet est sur la gauche.

C'est une troupe qui est toujours prête à se porter ou il est nécessaire. On en tire tous les détachements dont on à besoin, c'est en partie la garde de chaque bataillon.

Le piquet fournit les sentinelles pour mettre aux drapeaux et partout ou on le juge à propos.

Ce détachement met ses armes à un abris que l'on fait à la droite des grenadiers.

Les soldats de piquet ne doivent point s'écarter du camp. Lorsqu'il arrive quelque alarme, l'officier de piquet doit se tenir prêt à marcher au premier ordre, s'il y a quelque exécution à faire cette troupe marche à la tête de la brigade ou on la fait.

Les officiers de piquet ne doivent jamais se déshabiller, ils doivent se trouver à la tête du camp ayant leur hausse-col et leur épée au côté, leurs armes au chevalet.

Les officiers de piquet sont chargés de la discipline du camp.

A propos des piquets de tranchée lors des sièges:
On forme un piquet particulier lorsqu'un régiment doit assurer la sécurité de la tranchée dans un siège. Avant de partir pour la tranchée, on fait mettre le régiment en bataille à la tête du camp les grenadiers à droite et la compagnie de piquet ensuite, après cela le reste du bataillon, se met en bataille par piquets, c'est-à-dire qu'au lieu de laisser tous les soldats d'une même compagnie ensemble, on les mélange et l'on divise le bataillon en compagnies de 48 hommes environ chacune "l'utilité est que lorsqu'à la tranchée on demande un second ou un troisième piquet par bataillon, le détachement se trouve tout fait, sans perdre de temps à les tirer de chaque compagnie, outre cela lorsqu'il y a des sorties ou autres choses, les pertes ne touchent pas une seule compagnie mais sont réparties sur tout le bataillon.

 

La Formation en bataille

 

     Place des Officiers à la tête de leurs troupes en bataille

 

- Le colonel au centre de son bataillon, 3 pas en avant du 1er rang,

- Le lieutenant colonel à sa gauche un demi pas en arrière,

- Les commandants des bataillons au centre et à distance de 2 pas du front de leurs bataillons,

- Le capitaine des grenadiers 2 pas en avant de la tête de sa compagnie,

- Le capitaine de piquet à la même distance de la tête de cette troupe

- Le major n'a pas de poste fixe, il doit être autant que se faire se peu au centre du bataillon, près du colonel.

Tous les autres officiers entreront dans le rang ou passeront derrière leurs troupes comme il va être expliqué:

- Le capitaine de la première compagnie de chaque peloton formé par sa droite se tiendra dans le premier rang à la droite du peloton, ayant derrière lui son lieutenant au 4eme rang et les sergents aux 2nd et 3eme rangs.

- Le capitaine de la seconde compagnie du peloton se placera en serre file derrière le centre du peloton; son lieutenant fermera la gauche du 1er rang ayant derrière lui le premier sergent au 4ème rang le second sergent au 2eme rang et un caporal au 3eme rang.

- Le lieutenant des grenadiers sera derrière la compagnie en serre file, le sous lieutenant et le premier sergent fermeront la droite et la gauche du premier rang; le second sergent et le premier caporal la droite et la gauche du 4eme rang; deux autres caporaux la droite et la gauche du 2nd rang, et deux ansepessades la droite et la gauche du 3eme rang.

- Le lieutenant de piquet se placera derrière en serre-file; deux sergents fermeront la gauche et la droite du 1er rang ; deux caporaux la gauche et la droite du 4eme rang, un troisième caporal et un anspessade la gauche et la droite du 2nd rang; et deux autres ansepessades la droite et la gauche du 4eme rang.

-S'il manque à l'une de ces troupes, un capitaine, lieutenant, sergent, caporal ou anspessade, sa place sera remplacée par celui qui le suit dans ladite troupe ; sans cependant qu'aucun ne passe d'une compagnie à l'autre du même peloton, excepté pour les places de commandant et de serre-file de peloton, qui seront toujours remplies par les deux plus anciens officiers de l'une ou l'autre compagnie du peloton.

- Chaque fois que les officiers sortiront des rangs, les bas officiers qui seront en file avec eux , rempliront leur place ; celui du 2nd rang passant au 1er rang et celui du 3eme au 4eme, laissant les places du 2eme et 3eme rang vides; et lorsque les officiers rentreront dans les rangs, ces bas-officiers reprendront leurs premières places.

 

     Place des hommes de troupe.

 

Dans les compagnies de fusiliers :

Les deux files du centre de chaque peloton seront remplies par des caporaux et anspessades de la compagnie qui formera cette file. Le reste des rangs de chaque compagnie sera formé; savoir le 1er rang des plus anciens soldats, le 4eme rang de ceux qui suivront les précédents en ancienneté, on placera les autres, successivement dans les 2eme et 3eme rangs, qui par ce moyen se trouveront composés des plus nouveaux soldats.

Dans les compagnies de grenadiers :

On suivra le même ordre dans les distributions des rangs de la compagnie de grenadier.

Dans les compagnies de piquet:

A l'égard du piquet, on rangera les soldats successivement dans le 1er, le 2eme, le 3eme et le 4eme rang, selon le rang que les compagnies qui les auront fournies tiennent dans le bataillon.

Espace entre chaque soldat.

En rang à file serrée chaque soldat occupera environ 2 pieds en tous sens.

En toute occasion ou le contraire ne sera pas ordonné, le soldat marchera le pas ordinaire de 2 pieds, portant le fusil sur l'avant-bras gauche. Lorsque l'on battra la charge, il marchera le pas redoublé, portant le fusil haut, ou la bayonnette présentée en avant, aussi selon ce que le commandant jugera à propos de l'ordonner. Tous les soldats partiront toujours du même pied.

 

     Place des drapeaux

 

Les deux drapeaux de chaque bataillon seront placés l'un entre les files du centre du 5me peloton, l'autre entre les deux files du centre du 6me peloton, entre le deuxième et le troisième rang.

Dans les régiments suisses, ils seront au centre du 1er peloton de chaque compagnies.

On commandera pour la garde des drapeaux les deux plus anciens sergents du bataillon, qui ne seront commandés pour aucun autre service, ces sergents auront avec eux chacun un caporal et un ancien fusilier de leur même compagnie.

Le poste des enseignes quand le régiment doit combattre est au centre de chaque bataillon entre le deuxième et le troisième rang.

 

La Transmission des Ordres

 

Voici les termes utilisés lors de la transmission des ordres pour les évolutions et les manœuvres

- La compagnie seule forme une section,

-Deux compagnies couplées constituent un peloton,

-Deux pelotons constituent une manche,

- Trois pelotons constituent un demi-rang,

Ainsi on dit " à droite par section" ou encore à droite par peloton" ....

A noter que plus rarement on voit appeler un peloton une demi-manche et une section un demi-quart de manche.

 

Note : le nom d'enseigne peu avoir trois significations : le drapeau d'une compagnie, la compagnie elle même ou l'officier qui porte le drapeau ou l'étendart.
Voir également l'article sur
le campement des régiment d'Infanterie.

 

 

 

Jean-Louis Vial