DILLON 1690-1791

texte Jean-Louis Vial
infographie André Jouineau

Origine et historique 

En 1688, soldés par la France, (1) deux régiments sous le nom de Dillon sont formés en Irlande par Theobald Dillon, 7me vicomte Costello Gallen pour soutenir James II contre William (Guillaume) d'Orange. Le second régiment est confié à son fils Arthur (1670-1733) Dillon. En 1690, le régiment d'Arthur Dillon, avec 4 autres régiments, rejoint James II exilé en France après la défaite de Boyne. Ils intègrent alors les régiments réguliers de l'armée française. C'est l'un des 5 régiments qui vont constituer la Brigade Irlandaise : Mountcashel, Butler, Feilding, O'Brien et Dillon. Les régiments de Butler et Feilding seront rapidement réformés et leurs éléments versés dans les autres régiments.

Le reste de l'armée Jacobite continuera de combattre durant encore une année jusqu'au dernier combat d'Augrhim en juillet 1691 où est tué Théoblad Dillon. Le traité de Limerick qui suit cette défaite est très dur pour les catholiques irlandais, les militaires se voient proposer soit de s'engager dans l'armée Anglaise, soit de quitter définitivement les états de William III, c'est ce dernier choix que feront la majorité des soldats. A cet effet une flotte est envoyée de France et à partir d'octobre 1691 ce sont près de 14 000 hommes qui commencent à embarquer pour la France. Ils rejoignent les 6000 irlandais qui avaient déjà suivis Mountcashel en France en 1690. Une partie des régiments de l'armée Jacobite ainsi rapatriée est réorganisée en France. Bien que soldés par la France ces régiments restent pour Jacques II en exil, le noyau d'une armée destinée à reconquérir son trône d'Angleterre.

Biographies et Armoiries

Les armoiries de la Maison de Dillon sont : d'argent au lion léopardé de gueules, armé et lampassé d'azur, accompagné de trois croissants de même, deux en chef et un en pointe.

C'est Arthur (1670-1733), comte de Dillon, fils de Théobald (16..-1691), pair d'Irlande, septième vicomte de Dillon et de Mary Talbot qui en est le premier colonel en France. Notons que si Arthur est fait comte de Dillon par Louis XIV, ne sera ni pair d'Irlande ni vicomte de Costello Gallen (2), ces titres sont portés par son frère aîné Henry (16..-1713) resté en Irlande et ce dernier les transmet à son fils : Richard (1688-1737) 9me vicomte de Costello Gallen. En 1722 Arthur sera fait chevalier de Dillon (Earl Dillon) par James III. Dès 1692 le régiment est engagé dans les campagnes militaires. En Espagne en 1694 aux batailles du Ter et de Gironne … , puis en 1696 en Allemagne à Holstarich de nouveau en Espagne en 1697 au siège de Barcelone. Puis durant la Guerre de Succession d'Espagne en Italie à Cremone, Luzzara, Verceil, Ivrée, Verrue , ou sur le Rhin, Landau, Fribourg …. Le régiment de Dillon s'y distingue et Arthur comte de Dillon est fait brigadier en 1702, puis maréchal de camp en octobre 1704 et enfin lieutenant général en septembre 1706. Il sera égalent fait gouverneur de Toulon. Il conserve ce régiment jusqu'en 1730 ou il se démet en faveur de son fils Charles. Arthur meurt à St. Germain-en-Laye le 5 février 1733.

Charles (1701-1741) Dillon, est le fils aîné d'Arthur (1670-1733), comte de Dillon et de Christina Sheldon. En épousant en 1734 sa cousine Frances Dillon, unique héritière de Richard (1688-1737) Dillon, 9me vicomte de Costello Gallen, il hérite du titre de vicomte de Costello Gallen en 1737. Il succède à la tête du régiment de son père en 1730. Il va vivre essentiellement en Irlande, il meurt à Londres le 24 Octobre 1741 sans héritiers, ses titres reviennent à son frère Henry.

Henry (1705-1787) Dillon , est le second fils de Arthur (1670-1733), comte Dillon et de Christina Sheldon. Devient le 11me vicomte de Costello Gallen à la mort de son frère Charles en 1741 et lui succède à la tête du régiment de Dillon qu'il ne conserve toutefois pas, il quitte le service en 1743 après la battaille de Dettingen, il retourne en Irlande pour pouvoir conserver son titre de pair d'Irelande et ses biens. Il laisse la charge de son régiment à son frère cadet James (Jacques). En octobre 1744 Henry épouse Charlotte Lee. Il meurt à Londres le 3 Septembre 1787.

James (17..-1745) Dillon, est le troisième fils d'Arthur (1670-1733) comte de Dillon et de Christina Sheldon. Fait chevalier de Malte. Il succède à son frère Henry en avril 1744, il meurt à la tête de son régiment à la bataille de Fontenoy le 11 mai 1745.

Edward Dillon (1720-1747) , est le quatrième fils d'Arthur (1670-1733) , comte de Dillon et de Christina Sheldon. Il devient à son tour colonel du régiment de Dillon, il meurt en 1747 des blessures reçues à Lawfeld.

S'en suit une période de 1747 à 1767 où le régiment n'a pas de colonel en titre. La Maison de Dillon ayant tant sacrifiée ses fils au service de la France que Louis XV s'engage à conserver ce régiment pour un des enfants de Henry (1705-1787) Dillon. Dans les états militaire le régiment reste sous le nom de Dillon, mais sans colonel officiel et c'est le comte de Sheldon qui en est le colonel commandant du régiment durant cette période.

Arthur (1750-1794) Dillon qui prendra le nom de Dillon-Lee, est le second fils de Henry (1705-1787) Dillon, 11me vicomte de Costello Gallen et de Lady Charlotte Lee. Né à Braywick en Irlande en 1750, en 1765 à 15 ans il entre comme cadet au régiment de Dillon puis est fait sous lieutenant en mai 1766. Par un brevet du 28 août 1767 il est fait colonel du régiment, mais l'on se souvient que Choiseul alors Ministre de la Guerre est opposé la nomination trop fréquente de « colonels à bavette » , et ce n'est qu'en mars 1772, à l'âge de 22 ans, qu'il en deviendra réellement colonel. En avril 1775, le régiment est réformé et incorporé au régiment Bulkeley qui change son nom pour Dillon (3). En 1780 Arthur Dillon est fait brigadier. En 1777, le régiment est envoyé dans les colonies, il prend part à la prise des iles de la Grenade, de Saint-Eustache, de Tobago et de Saint-Christophe, il sera gouverneur de Saint-Christophe puis de Tobago . En 1789, Arthur Dillon est député de la Martinique aux États généraux malgré ses efforts pour préserver son régiment, comme tous les régiments étrangers il sera réformé en 1791. Arthur Dillon sert dans l'armée révolutionnaire, il est fait lieutenant-général commandant en chef l'armée des Ardennes en mai 1792 où il combat les Prussiens en Champagne et en Argonnes. Ami de Camille Desmoulins, ils seront pris dans la tourmente révolutionnaire et guillotinés en 1794 ( le 24 germinal de l'An II).

Uniformes et distinctives

 

La première description de Lemau de la Jaisse dans sa carte générale de 1730-33 est succinte : Habit rouge. Paremens bleus. Anoter que dès 1735 la distinctive devient noire.

Le manuscrit de Gudenus de 1735 nous donne plus de renseignements , c'est le premier premier personnage en haut à gauche sur la planche: habit rouge doublé de blanc, large collet noir dont les pointes tombent librement sur l'habit, larges parements en botte noirs à trois boutons. Les boutons de cuivre sont 2 à 2, et les poches en travers à trois boutons. La veste blanche est fermée par des boutons également 2 à 2 avec de petites boutonnières rouges. Culotte blanche. Les guêtres blanches. Chapeau noir bordé d'or.

L'Etat Général des Troupes de France, 1748 indique: habit rouge, paremens noirs, boutons de cuivre jaune, manches en bottes, et chapeau bordé d'or.

Le personnage suivant à côté de celui de Gudenus correspond à la description du Manuscrit d'Hermand de 1757: habit, veste et collet rouges. Doublure de l'habit blanche. Patte d'épaule blanche sur l'habit à gauche. Culotte blanche. Boutons jaunes. Poches ordinaires en travers garnies de trois boutons, parements garnis de trois boutons. Chapeau bordé d'or.
Description que l'on peut complèter avec la description de La Chesnaye en 1759: habit et collet rouges, doublure blanche, douze boutons jaunes jusqu'à la poche, parements noirs ouverts et quarrés, avec trois boutons, deux petites boutonnières et boutons à l'ouverture de la manche en dessous, pattes ordinaires garnies de trois boutons, veste rouge avec un revers noir, doublée de blanc, garnie de douze boutons jusqu'à la taille, culotte blanche, chapeau bordé d'or. A noter cette veste à revers tout à fait particulière.

La description du nouvel uniforme après la réforme de Choiseul en 1762 se retrouve dans l'Etat Militaire de 1763: Habit et veste de drap rouge, garence, doublure et culotte blanches, paremens et revers noirs, collet rouge, poches ordinaires garnies de trois boutons, autant sur la manche, cinq au revers, et trois au-dessous, boutons jaunes, n° 79, chapeau bordé d'or.

En bas de profil gauche sous le drapeau à gauche notre fantassin porte la tenue du règlement de 1767. Cette réforme de Choiseul marque vraiment le début des ordonnances détaillées concernant les uniformes: habit et collet rouge garance à doublure blanche, parements et revers de panne noirs. Veste et culotte blanche. Poches en travers à trois boutons. Boutons jaunes. n°79. Il a 6 petits boutons posées en ligne sur la manche: 3 sur le parement et 3 au dessus sur la manche. 5 gros boutons sur le revers et 3 au dessous sur l'habit.
Tout les chapeaux sont maintenant galonnés de blanc quel que soit la couleur du bouton.

La tenue du règlement de 1771 est décrite dans l'Etat Militaire de 1772: Habit et collet de drap rouge-garance, doublure, veste et culotte blanches, parements et revers de panne noire, poches ordinaires garnies de trois boutons, le dessous de la manche et du parement fermé par six petits boutons, cinq au revers et trois gros au-dessous ; boutons jaunes. C'est le personnage en bas à droite, ici il est coiffé du casque non fixé par un règlement officiel, mais qui va être fourni à une grande majorité des régiments d'infanterie. Casque de cuir au cimier et ornements de laiton avec une crinière noire.
Notons que si Montigny en 1772 montre tous les régiments coiffés d'un casque, le manuscrit de Valenciennes de 1774 ne le met qu'aux régiments français. La mode, trop onéreuse, du casque à crinière ne durera pas et seul le régiment Colonel Général conservera le sien. L'ordonnance de 1775 ordonnera le retour aux chapeaux. Le règlement du 31 mai 1776 apporte un changement spectaculaire de la coupe de l'uniforme qui devient très court et un changement des distinctives, ce règlement fut-il appliqué et pour quels régiments , quoiqu'il en soit le règlement de févier 1779 marque retour à l'ordonnance de 1775 avec quelques différences comme la réduction de 6 à 4 boutons sur les parements des manches, et Dillon prend un collet blanc.

1786 est une année de grandes réformes militaires, l'infanterie adopte, encore, un tout un nouveau système de distinctives, les couleurs se retrouvent limitées 12. A l'exception des 8 régiments royaux et des 10 régiments des Princes, les 10 couleurs qui restent définissent alors 10 groupes de 6 régiments. Au sein de chacun de ces groupes la répartition de la couleur distinctive variant pour chacun des 6 régiments. Des régiments irlandais seul Ainsi Dillon perd sa distinctive noire pour adopter le jaune, représenté ici par les deux personnages en bas au centre de la planche : habit rouge, collet parements et revers jaunes. Sept boutons jaunes sur chaque revers. Les retroussis blancs maintenus par des agrafes chargés de fleurs de lis jaunes. Epaulettes à fond rouge bordé de jaune. Poches en travers bordées de jaunes, à trois boutons. Deux boutons à chevrons sur le parement et deux boutons à chevrons sur la manche au dessus du parement. Chapeau noir sans galon, cocarde noire à pompon violet. Ce pompon ou houppe permet de distinguer les bataillons et les compagnies. Par exemple ici notre homme appartient à seconde compagnie du premier bataillon.

Le règlement provisoire de 1791est illustré par le le personnage en bas et à gauche sur la planche . Dès 1789 apparait une importante modification de la répartition des couleurs distinctives qui se trouvent réduites à 7, et Dillon retrouve sa distinctive noire. En 1791 l'uniforme se décrit ainsi: habit rouge, collet, parements, patte de parements et revers noirs. Boutons de cuivre, 7 sur le revers, et 3 au dessous des revers sur l'habit à droite, 3 boutons sur les pattes de parement, et 3 sur chacunes des poches. Les poches sont en long bordées de noire à 3 boutons. Pattes d'épaule rouges bordées de noir. Veste et culotte blanches. Il porte de nouveau un casque de cuir à chenille. Ce dernier casque comme son prédécesseur sera jugé lui aussi trop couteux et ne dispensant pas d'avoir également un chapeau, il sera supprimé en 1795.

Musiciens

On a bien une description mais elle est moderne de L. Vallet (4) qui ne donne pas de source. La voici donc sous toute réserve pour Dillon en 1744: habit, veste et culotte rouge, l'habit bordé d'un double galon à fond blanc et chevrons rouges.

Drapeaux 

Lemau en 1730-33 indique: rouge et bleu, croix rouge ornée de couronnes et de harpes, 3 drapeaux. Le dessin qui l'accompagne apporte quelques précisions, les couronnes dans les quartiers sont disposées en oblique, la croix rouge est bordée de blanc et la harpe placée en motif central. Drapeau colonel blanc avec les mêmes motifs.

A partir de 1735 le régiment prend la distinctive noire. On retrouve alors cette description : ce régiment a 3 drapeaux, dont un blanc Colonel, avec une couronne d'Angleterre dans chaque quarré, et une harpe en or au milieu de la croix blanche, ainsi qu'aux deux drapeaux d'ordonnance rouges et noirs et croix rouges, bordées de blanc. Avec cette devise dans les bras de la croix "IN HOC SIGNO VINCES". "par ce signe je vaincrais". Drapeaux qu'il conservera jusqu'à sa réforme.

 

Le tableau de Chaligny outre le fait qu'il indique en titre Dillon Allemand ! donne un drapeau colonel légèrement différent. Il est à fond blanc, une couronne dans les quartiers, ou plutôt ici dans les angles car la croix piquée n'y est pas marquée, la harpe d'or au centre et la devise se retrouve placée dans une banderolle au dessus du motif central.

Notes:

-(1) Les liens entre la Maison de Dillon et la France est ancien, quand Cromwell confisque leurs terres aux Dillons, il les oblige à se réfugier en France jusqu'à ce que leurs biens leur soient restitués en 1663. C'est ainsi que le 26 mars 1653 un premier régiment irlandais de Dillon, soldé par la France, est levé par James Dillon a partir d'Irlandais refugiés en France et fuyant Cromwell. Le régiment se distingue à la bataille des Dunes (Dunkerque) en juin 1658. Il est réformé en février 1664 à la mort de son colonel.

- (2) En Irlande l'aîné de la Maison de Dillon est pair d'Irlande et depuis 1621 fait par James I vicomte (viscount) Dillon de Costello Gallen mais on voit parfois simplement le titre de vicomte de Dillon alors qu'en France ils seront faits par Louis XIV comte de Dillon. Ce qui fait que certains membres de la Maison de Dillon au service de la France seront parfois titrés en même temps de comte de Dillon pour la France et de vicomte de Costello Gallen ou de Dillon pour leur héritage Irlandais. Et que certains ne seront ni comte ni vicomte et parfois appelés chevaliers (Earl). Ce qui peut rendre difficile de suivre les filiations.

- (3) Pourquoi ne pas réformer Bulkeley et le verser dans Dillon puisque le régiment est destiné au comte de Dillon? On en revient toujours à la règle et au prestige de l'ancienneté, on conserve le régiment le plus ancien ici Bulkeley que l'on va donner à Arthur Dillon et l'on réforme Dillon que l'on verse dans Bulkeley.

- (4) Louis Vallet est un illustrateur de la fin du 18me et début 19me très connu pour ses dessins humoristiques et pour ses talents de dessinateur que l'on retrouve dans des ouvrages consacrés aux armées et surtout la cavalerie comme dans les "Croquis de cavalerie".

 

André Jouineau & Jean-Louis Vial