Les
Régiments Suisses au service de la Hollande
par
Patrick Seignemartin
Le
premier émissaire hollandais essayant de
recruter des troupes suisses au service de la Hollande
fut le Comte Frédéric
de Dohna
(1619-1688), baron de Coppet, lieutenant
général au service de
Hollande, reçu bourgeois de Berne en 1657
mais sa démarche fut sans succès car
se heurtant à la politique traditionnelle
des cantons protestants de refuser à leurs
ressortissants de prendre du service à
l'étranger.
Menacés
par la politique de Louis XIV, envahis en 1672, les
Pays Bas vont multiplier leurs tentatives.
Cependant,
les régiments suisses au service de la France
connaissent un certain malaise. Par exemple, le 17 mai
1672, le Prince de Condé informa le roi qui
était à Vizet prés de Maestricht que
le régiment d'Erlach ne voulait pas servir contre
la Hollande protestante. Le roi envoya Stuppa
négocier et l'affaire s'arrangea. Puis le
régiment se dirigeant vers le Duché de
Clèves, les Bernois invoquèrent le
traité qui les liait à la Maison
d'Autriche. Plusieurs compagnies se mutinèrent et
il fallut avoir recours à la
force.
Malapert
envoyé des Provinces-Unies intervint auprès
de la Diète ainsi que Dohna au nom de l'Electeur
de Brandebourg.
Les
Français s'approchant de la Franche-Comté,
Zurich et Berne adressèrent des troupes à
Strasbourg et Mulhouse Après une première
campagne, en 1668, Besançon est
définitivement conquise en 1674. En 1678, le
traité de Nimègue réunit la
Franche-Comté à la France.
Les
cantons protestants liés par leurs traités
avec la France, et redoutant le courroux de Louis XIV,
repoussèrent en apparence les pressantes instances
de l'ambassadeur hollandais. Une première
capitulation fut passée en 1676 entre le colonel
de Wattenwyl et les Etats
généraux qui
permit, en sous main, de lever un régiment de deux
mille quatre cents hommes, dont une partie furent
enrôlée dans le Pays de Vaud.
La
révocation de l'Edit de Nantes en 1685 amena
Schaffouse et Zurich à restreindre le
recrutement pour la France alléguant que la guerre
contre la Hollande était dirigée contre le
protestantisme. L'interdiction durera à
Zurich jusqu'en 1752.
Guillaume
d'Orange Stadhouder des Pays Bas qui était
monté sur le trône d'Angleterre en 1689 va
dés l'année suivante, conclure une alliance
défensive et offensive, qui inclut les
Provinces-Unies, avec les cinq cantons protestants
et St Gall, constituant une véritable «
Internationale » protestante En effet, contrairement
à la France où la liberté de culte
était totale pour les régiments suisses, il
n'y avait pas de catholiques dans les régiments
suisses au service de la Hollande.
Le
service de Hollande devient populaire notamment en pays
vaudois, les Suisses appréciant le mode de
vie et la simplicité des Hollandais, l'esprit de
luxe contrairement à la France étant banni,
un capitaine se contentant d'un valet et d'un
cheval.
Un
professeur de théologie à l'Académie
de Berne publia, contre le service de France, des lettres
adressées au général Stouppa, qui
intriguait alors en Suisse contre le service de Hollande,
et cherchait à lever des compagnies franches pour
la France. Stouppa répondit à ces lettres
par un écrit intitulé : « La religion
des Hollandais, représentée en plusieurs
lettres écrites par un officier de l'armée
du Roy, à un pasteur et professeur en
théologie de Berne » où il affirme :
« La guerre du Roi contre la Hollande n'est point
une guerre de religion, mais une guerre pour punir les
Hollandais de leur ingratitude, pour leur apprendre
à rendre le respect qu'ils doivent au Roi, et
à se contenir dans les termes de la modestie et de
la raison.... ».
En 1693,
un nouvel envoyé extraordinaire des Provinces
Unies, Pieter Valkenier (1641-1712) ,(Peter Valkenaer)
passe une capitulation avec Zurich pour lever
un régiment de garnison pour les places
fortes du Brabant. Quatre compagnies sont levées
par Jean-Henri Lochmann (qui avait commencé en
France aux Gardes suisses mais avait refusé de
combattre des protestants), Félix Werdmüller,
Schneaberger et Schlater. Augmenté en 1694 d'un
2ème bataillon, il constituera le régiment
Lochman. De nombreux officiers et
soldats abandonnent le service de France ou
d'Espagne.
Des
capitulations sont signées par Valkenaer avec
:
Albert de
Mülinen et Nicolas de Tscharner qui lèvent
deux régiments de 1 600 h pour le canton de
Berne.
Hercules
de Cappol qui avait commencé son service en
France en 1678. En 1693, il commanda un
régiment des Grisons en Espagne. En 1695,
après la signature d'une capitulation pour un
régiment réservé au Canton des
Grisons, à la Valteline, Bormio et Chiavenna,
Hercules de Cappol amena son régiment en Hollande
avec l'accord du roi d'Espagne.
Enfin
en 1696, Guillaume de Muralt lève un
régiment attaché également au canton
de Berne.
A ce
titre, la vie de Jean de Sacconnay est exemplaire.
Entré en 1665 au service des cadets gentilshommes,
il passe en 1669 aux Gardes suisses. Puis sur les
conseils de Stuppa, il est désigné
à la tête d'un régiment de petite
guerre. Il eut une conduite héroïque à
Valenciennes en 1676. Suite à la révocation
de l'Edit de Nantes, il voit les vexations subies par la
famille de sa femme Marie Le Cordelier de Verneuil qu'il
conduit en Suisse pour sa sécurité tout en
restant lui-même en France. Peu de temps
après, sa rigueur morale l'amena à
démissionner. En 1694, l'envoyé des
Provinces-Unies lui proposa un poste de Lieutenant
colonel dans le régiment de Müllinen qu'il
refusa Milord Galloway lui proposant de lever un
régiment de 1600 hommes à la solde de
l'Angleterre pour servir en Savoie. Il y combattit
pendant un an puis passa en Allemagne. En 1696, son
régiment passa en Hollande et fit l'objet d'une
capitulation en 1697. Envoyé en Angleterre
par le Prince de Baden, il démontre au roi la
nécessité de nommer un
colonel-général des Suisses et Grisons pour
négocier avec les cantons et conseilla le comte
d'Albemarle nommé en 1698 et dont les fonctions
sont définies par l'ordonnance du 26
novembre.
En 1700,
le Conseil Souverain de Berne prend une
ordonnance fixant le service et la tenue des
régiments de Tscharner, de May (ex
Mülinen depuis 1697), de Muralt et de
Sacconnay
D'après
W. Hirzel tous ces régiments n'étaient pas
«avoués » c'est à dire
qu'ils n'étaient pas officiellement levés
par les cantons.
Aux
prémisses de la guerre Succession d'Espagne,
après l'occupation par les troupes
françaises des villes dites «
barrières » (Nieuport, Oudenarde, Namur,
Courtrai, Ath, Mons, Charleroi et Luxembourg) le 5
février 1701, devant l'imminence du
danger, les cantons protestants
acceptèrent de conclure des «
capitulations » en bonne et due
forme.
A la
déclaration de guerre par la Grande Alliance le 15
mai 1702, sept régiments suisses de 1 600 hommes
chacun sont au service de la Hollande :
Albemarle
: levé en 1701, Félix de
Werdmüller en est nommé colonel
commandant. Il s'agit d'un régiment purement
zurichois, commandé par des officiers de Zurich
et des hommes uniquement recrutés dans ce
canton. A la mort du comte d'Albermarle en 1718
il devient Werdmüller.
de
Cappol (Grisons) devenu de Schmid en 1706. Le
régiment de Diesbach levé en 1711 lui
est incorporé en 1712.
de
Hirzel de Kefikon (anciennement Lochmann). Le
colonel Hirzel de Kefikon ayant été
mortellement blessé lors du siège de
Lille en 1708, son régiment fut repris par
Jean-Frédéric de Dohna, fils du premier
émissaire. Capitaine dans l'armée
hollandaise à vingt ans et major à
vingt-huit ans, il fut employé avec son
régiment dans l'expédition du prince
d'Orange en Angleterre, en 1688 et 1690, dans laquelle
le nouveau roi, Guillaume III, le prit pour son
aide-de-camp. Il assista, d'abord comme colonel, puis
comme général, à toutes les
grandes batailles que les puissances coalisées
livrèrent aux armées françaises,
à Steinkerke, à Neervinden, à
Ramilies. Lieutenant-général, il
commandait une division d'infanterie hollandaise
à la bataille de Denain où il fut
tué.
de
May (Berne) réformé et
incorporé en 1714 à
Stürler
de
Muralt (Neuchâtel) Montmollin en 1701 puis
en 1704 régiment de Daniel de
Chambrier
de
Sacconay (Berne) devient de Mestral en 1706 puis
est incorporé en 1714 au régiment de
Daniel de Chambrier
de
Tscharner repris en 1706 par Vincent de
Stürler qui intègre en 1714 le
régiment de May et capitula au
Quesnoy
Le 22
juin 1706 à Ramillies Malborough charge à
la tête des dix mille suisses des régiments
suisses Stürler, May, Cappol, Chambrier et
Sacconnay.
Le 11
septembre 1709 à Malplaquet Chambrier,
Schmidt de Grünech, Hirzel, May, Stürler
et Mestral . Le Prince d'Orange se dirigea vers
May, en prit le drapeau (flammé rouge et
noir ?) et lança : «Suivez-moi !
». En tête Chambrier, en bleu
soutaché de blanc, enfonça Navarre et
Piémont, quant à May il se retrouva face au
régiment de May au service de la France, les
Suisses bleus et les Suisses rouges
s'entretuèrent, ce qui sema un grand émoi
dans la population suisse. La même année,
Charles second vicomte Townshend, ambassadeur
extraordinaire et plénipotentiaire d'Angleterre
auprès des Provinces-Unies, négocia
un traité (dit traité Townshend) qui
prévoyait, entre autres, l'envoi
de troupes hollandaises si le trône anglais
était menacé de tomber entre des mains
catholiques .
En 1712,
signature de l'alliance perpétuelle entre les
Provinces-Unies et Berne qui doit fournir 24 compagnies
en cas d'attaque du territoire hollandais. La même
année l'Angleterre demanda un nouveau «
Traité de Barrière ». Les Etats
Généraux n'étaient pas dans une
position de refuser bien qu'il leur fut plus
défavorable que le Traité
Townshend qui leur donnaient 18 places
fortes. Suivant le nouveau traité
Furnes, Fort Knokke, Ypres, Menin, Mons, Charleroi et
Namur. L'argument anglais reposait sur le fait que
l'actuelle Belgique passant de la domination
espagnole, puissance affaiblie, à celle de
l'Autriche la sécurité des Provinces
&endash;Unies étaient mieux assurée, alors
que les Etats Généraux cherchaient
également un avantage
économique.
En 1713,
traité d'Utrecht, les Provinces Unies signe un
traité d'union avec les Grisons.
En
application du Traité Townshend, des troupes
hollandaises dont des régiments suisses
furent envoyés en Angleterre à trois
reprises : 1715, 1719,1745
Bibliographie
Abbé
François Girard, Hist. abrégée des
officiers Suisses qui se sont distingués aux
services étrangers dans des grades
élevés, 3 volumes, Fribourg, 1781.
Paul de Vallière, Honneur et
fidélité. Histoire des Suisses au Service
Etranger. Lausanne, Editions d'art suisse ancien,
(1940).
Werner Hirzel «Tanta est fiducia gentis »
Fondation pour l'histoire des Suisses à l'Etranger
1972.
Zurlauben, Hist. milit. des Suisses au service de France,
8 volumes.
Zurlauben, Code militaire des Suisses, 4 volumes, Paris,
1758.
May de Romainmôtier, Hist. milit. des Suisses dans
les différents services de l'Europe, 8 volumes,
Lausanne, 1783